Juste une journée ordinaire (Tarquinus/Roland)

Les rayons du soleil viennent me sortir de mon sommeil. Il me tire de cet état de fatigue encore propre à l'enchevêtrement de mon corps dans l'amas des drapés.  Encore un réveil dans cette bâtisse qui me rendait visiblement d'humeur massacrante. J'avais cette fâcheuse habitude d'avoir un tempérament exécrable au matin. Je préférais ne pas parler, en retour j’espérais qu'on me rendrait ce service. Ma main tâtonne, mes paupières mi-closes cherchant le corps frêle d'Azura. Aucune trace, elle avait échappée à mon étreinte.

Je me levais progressivement portant une timbale à mes lèvres recrachant le contenu empreint d'une grimace sur mon faciès. J'avais besoin de plus qu'un peu d'eau au réveil. Le soupir long accompagné d'un  râle se faisait sentir alors que je me levais pour prendre mes vêtements. La journée serait longue, il y avait peu de choses qui me rendait heureux dans la vie mais ils n'étaient pas ici. Rome était un lointain souvenir auquel je me raccrochais pour accomplir ma mission. Mon objectif je n'avais que ça à l'esprit. Mes sens en exergue aux moindres suspicions, ma tâche était loin d'être aisée dans cette population ou tout semblait n'être qu'entente et entraide mutuelle.

Ma fiancée était loin d'être la plus honnête, je pouvais sentir sous son regard et ses manières qu'elle ne me disait pas tout. J'avais bien choisis ma victime mais dans toute cette frivolité régnait une forte odeur de tromperie. De moi envers elle assurément et peut-être bien plus encore. Insoupçonnable elle me craignait sans perdre cette attache singulière qu'elle avait pour cet énergumène. Son souvenir me satisfaisait, j'en étais le plus heureux de savoir que ce sale chien était retenu prisonnier dans les geôles de la resplendissante citée impériale. Rome était le centre du monde, j'en étais l'un des plus fervents défenseurs et rien ne m'arrêterait pas même elle.

Je descendais spontanément le regard scrutant de part et d'autres des pièces mon barda apposé contre mon épaule je songeais partir pour quelques affaires. Ma tête passa à travers l'entrée de cette boutique aussi hideuse que suspecte et je pouvais observer ma frêle fiancée absorbée par l'un de ces précieux livres. « Tu t'es encore levée tôt ce matin... » Lui déclarais-je comme un reproche l'observant du coin de l’œil, ma main droite agrippant l'encadrement de la porte.

J'écoutais ses explications d'une oreille distraite. À dire vraie cela ne m'intéressait guère. Pourvue qu'elle soit prête à répondre présente à la moindre de mes demandes. Ses questions effleuraient à peine mon esprit j'avais bien d'autres choses en têtes que de penser être à l'heure pour le déjeuner. Ce visage enfantin, ses traits féminin et sa silhouette charnel était une plus grande source d’attraction que ses petites préoccupations de femme au foyer. Je crissais ma barbe de mes phalanges rugueuses offrant un sourire à demi voilé d'un certain dédain au sujet de discussion.

« Je vais peut-être passé voir tes parents... Je n'ai pas souvent l'opportunité de discuter avec ton père. C'est l'un des rares hommes ici que j'apprécie. »

Déclarais-je faussement alors que je cherchais avant tout à m'accaparer le corps et l'esprit de leur sale garce de fille.

« Il faudrait les inviter à briser le pain et boire à nos côtés de temps à autres qu'est ce que tu en dis ? »

L'avantage quand on est un homme c'est de pouvoir user de ses pions pour mieux desservir ceux de sont adversaires. Si ses sales païens pensaient avoir acquis la confiance et la fidélité de Roland cet homme que j'arborais aux yeux de tous ici il ne m'était pas difficile de  faire pencher l'opinion en ma faveur. C'était une stratégie à opérée, cela faisait bien trop longtemps que cette petite teigne repoussait notre union et je commençais à perdre patience. J'expirais l'air d'entre mes lèvres et ma dentition carnassière se fit plus visible au fur et mesure que j'approchais de sa frêle et fragile petite silhouette. Mon corps se raffermit s'approchant de son corps et collant son postérieur au plus près de moi.

« Je pense souvent à toi. À nous et à... Cet endroit. »

Commençais-je à siffler d'une langue vilipende. Mon stratagème devait être finement joué et mon jeu aussi précis qu'une lame que j'enfonçais dans la gorge d'un barbare s'étouffant dans son propre sang.

« Bien j'irais donc le voir, je n'ai rien de prévu aujourd'hui de toute façon. »

Lançais-je alors que mes yeux se posèrent sur cette longue chevelure brune qui ravissait mon appétit insatiable de prédateur et de romain fulminant sous les traits de cet inconnu, de ce Roland dont elle ne pouvait connaître le véritable monstre derrière ses apparences.

Je la laissais s'apposer sur mon torse, ma respiration maîtrisant une forme de tempo tumultueux au son de nos cœurs. « Je pensais à construire notre propre maison. Une que nous partagerions tout deux une fois mariés. Chez moi la notion de famille est importante, c'est un pilier même devrais-je dire. »

Déclarais-je dans un premier temps faisant référence aux piliers de Rome trônant fièrement pour immaculé les bâtiments et autres infrastructures de symboles et d'ornements.

« Je souhaiterais que nous habitions non loin du foyer de tes parents, un cadre plus reposant et moins agité par les allées et venues des gens, de tes clients... L'endroit idéal pour y élever et éduquer nos enfants. »

C'était là une belle perspective d'avenir si tenté il y en est un. Je m'épatais parfois à entreprendre les rudiments de la manipulation et d »une parole sincère passait d'un mensonge à un autre sans sourciller ni trahir ma propre volonté. Quoiqu'il en soit j'avais des idées pleins à la tête. Je délaissais mes mains autour de sa taille pour me tenir prêt à prendre le chemin de la demeure familiale de ses parents.

« Pour ce qui est de cet endroit, cela reste une boutique et une fresque est une très belle idée. Cela demandera du travail et beaucoup plus de temps que la tenture cependant. »

Déclarais-je d'une voix qui se voulait donneuse de conseil ou bien de leçon.

Je m'étais rendu à la maison familiale d'Azura. Celle qui l'avait vue grandir et façonner à l'image dont il avait aujourd'hui la tâche de rendre plus malléable à sa convenance. Il y avait bien des travers à Rome. Les sombres ruelles la nuits parcourue par la garde prétorienne et les milices soldatesques faisant leurs allées et venues. Je me rappelais sur mon trajet le mont Palatin, le forum et ses étales marchandes. Pour un patricien la vie de la citée était centrale et c'est avec une forme nostalgique que je prenais les routes sinueuses jusqu'aux abords des bois et des quelques chaumières éloignées de la vie de ville bien différente de mon vécu personnel.

J'ai pris du temps à converser avec son père, à de nombreuses reprises j'y retrouvais les quelques traits d'un homme simple mais, fidèle à ses convictions. Il marquait ses désaccords et tranchait avec certitude ce qu'il croyait être juste. Je lui faisais part de ma demande concernant le repas que nous envisagions sachant pertinemment qu'il ne refuserait pas cette invitation. La discussion fut aussi  prompt à parler du quotidien, des choses banales de la vie et puis des projets envisagés. J'apportais mon aide comme à mon habitude il y avait toujours de quoi faire quand on vivait reculé des grandes agglomérations et des villages frontaliers. La journée se déroula et bientôt il me fallait reprendre le chemin de la boutique. Je songeais à ma position, à ce que j'avais laissé derrière moi pour servir Rome et ses intérêts. Les miens allaient foncièrement dans le même sens et mon infiltration ici avait toujours pour but l'anéantissement du paganisme qui menaçait notre glorieux Empire. À la vision de mon visage à l'ouverture de la porte Azura se rendait au temple. J'échappais un soupir, la fatigue et la crasse sans doute me rendait plus enclin à aller me changer, prendre de quoi me nettoyer et souper. Quelque chose finalement me fit décider du contraire. Je ne savais pas si c'était cette manière d'esquiver mes apparitions ou bien si ma présence l'incommodait. Quoiqu'il en soit je répliquais laissant le barda au sol. « Je viens avec toi. »

Nous décidions de partir au temple. Du moins elle et je suivais sa décision sans broncher malgré la fatigue d'une journée plus ou moins remplie. Alors dans le frémissement du vent je me laissais accaparée cette main caleuse qui était mienne. La sienne plus frêle, plus délicate et douce marchant approximativement dans une union imparfaite. À la vision des statuettes païennes son emprise se dissipa et la volonté empirique reprenait un peu plus le dessus au sein de mon être. Je pouvais les observer, les contempler ces dieux archaïques, désavoués, d'une époque aussi primitive et reculée qu'elle n'avait plus tout bonnement sa place en cette terre. Et pourtant quand mon regard céruléen se postait face à l'effigie de ces faciès primitifs je pouvais ressentir quelque chose de plus proche et similaire à ce que nous les romains pouvions connaître. Étrange sensation, elle me dérangeait même. Particulièrement ces similitudes et ses controverses qui n'arrivaient plus à dissocier leurs dieux des nôtres peut-être ? Quelque chose clochait, si proche, si ressemblant dans leurs attributs et les fonctions, fertilité, protection, guerre, des aspects de nos propres croyances que je pouvais mal défaire de mon esprit usé par la fatigue me faisait-il perdre le peu de conviction que j'avais ? Jamais.

Un peu plus tard sur le chemin du retour nous croisions la mère de ce sale chien. Je l'avais partiellement oublié celui là. Dans un coin de ma tête il me semblait faire preuve d'une incontestable empathie pour cette femme qui l'avait mit au monde. De la pitié ? C'était sans doute ce sentiment qui cohabitait avec la noirceur de cette sensation subtile et délicieuse d'être foncièrement mauvais. Je ne faisais qu'un simple hochement et un simple sourire pour la saluer et paraître compatissant. Au bout d'un moment mon esprit divaguait observant autour et n'écoutant tout bonnement plus cette conversation dont je n'avais que faire.

Il n'était pas une menace pour moi. Il n'en était même pas une pour Rome alors qu'avais-je à perdre ? Rien après tout il était loin et ne reviendrait jamais vivant c'était une certitude. La menace était écartée à tout jamais sache le Azura cet ami tu ne le reverra jamais je t'en fais la promesse. De retour dans le foyer dont elle ne savait se défaire la discussion de cette matinée revient rapidement sur le tapis. Son choix c'était donc posé sur la fresque. Évidemment n'importe qui aurait pu y voir un simple choix fait de son propre chef mais moi, je savais l'importance des mots qui raisonnaient en elle. C'était une initiative que j'avais appuyée et la fresque était quelque part un vestige d'art primaire que je rapportais de mes terres, de Rome. Pour être tout à fait honnête je ressentais enfin ce sentiment de victoire aussi infime que petite certes mais, je savais que ma parole avait raisonnée en son sein et bientôt ses habitudes et ses convictions seraient calquées sur les miennes. Un petit pas dans le droit chemin Azura, tu y es presque.

Je souriais à sa décision avant d’extirper un sourire sur mes lèvres mon regard plongeant sur sa silhouette. « C'est une bonne chose, la fresque embellira cette pièce. Une idée de ce que tu y verrais dessiner ? » Questionnais-je feintant de comprendre ou d'écouter mais je faisais exprès de paraître attentionné et à l'écoute de ses choses surfaites. Après tout elles me servaient indirectement à leurs manières.

« Je vais me laver, nous souperons après. » Déclarais-je avant de me fendre d'un sourire espiègle. Je me sentais partir et rien de mieux qu'un bon bain pour délasser mes muscles d'une dure journée.

Délasser mes muscles, me laver de la crasse et du labeur que je portais au père de ma femme. Ma femme ce mot était invraisemblable dans la bouche du noble patricien et pourtant il en était pour ainsi dire ainsi. Ici je n'étais qu'un vulgaire voyageur, un vagabond un marchand qui sillonnait les villages alentours sur des courtes et des plus longues distances. J'étais un aventurier l »un de ceux qu'on croise et qu'on accoste pour discuter autour d'une chope remplie de ce breuvage qu'ils appelaient la bière. De la pisse de chèvre aurait sans doute meilleure goût. Quand bien même mon esprit restait en éveil je prenais mon temps pour retourner dans la salle commune là ou le repas serait préparé. Je ne pouvais me résoudre à oublier ce que j'avais pu entrevoir se soir dans cette entrevue sommaire. La mère du sale bâtard et Azura parlant de choses qui ne me rendait pas la tâche simple. Qu'il crève là bas tel un sale charognard c'est là tout ce qu'il est et c'est tout ce qu'il mérite. Rome ne pouvait se résoudre à de telles paroles, c'était de la conspiration pure et simple.

« Tu devrais faire plus attention. »

Déclarais-je sans aucune intention de montrer un quelconque intéressement à son sujet. Est-ce qu'elle avait mal ? Cela la faisait-elle souffrir ? Je n'en avais aucunement envie de m'en quérir j'avais faim le reste attendrait. Je brisais comme de coutume un morceau de pain avant de le tremper dans mon écuelle la soupe se gorgeant dans la mie que je mastiquais avec fermeté. Ce n'était pas mauvais sa nourrissait tout au plus cela n'avait cependant rien à voir avec les repas somptueux de Rome.

« Pourquoi pas acheté un de ces pourceau au poil brun. Je pourrais en avoir un bon prix en monnayant ce qu'il me reste de mon dernier voyage. »

Si seulement elle savait que je pouvais m'en procurer plus qu'un. Des bestiaux dans ce genre j'en avais aisément dix têtes trônant la pomme coincée sous leurs groins.

« C'est le moins que je puisse faire, ta famille est la mienne désormais. »

Je pouvais maigrement croire que j'avais désormais quelque chose en commun avec ces paysans de bas étage. Des peuplades barbares aussi peu capable d'esprit que de distinction entre germain et slave il n'y avait aucune différence c'étaient tous des foutus païens.

« Je sais... »

Je terminais ma soupe léchant le fond de mon récipient les yeux lorgnant la moindre trace de nourriture.

« Qu'est ce qu'une jeune femme comme toi faisait-elle là bas ? Hm ? Tu veux causée le chagrin de ta mère ? Tu veux finir esclave de ces romains ? C'est cela que tu cherches ? »

L''exaspération s'extirpe d'entre mes lèvres. Le discours qu'elle tient est inconcevable. Elle était inconsciente et elle pouvait entrevoir ce regard céruléen la toisé du jugement impitoyable d'un homme sur sa femme. Je laissais tombé ma cuillère fac à ce qu'elle avançait comme une histoire qui n'avait rien de bien surprenant à travers son regard. Je laissais mes coudes s'appuyer sur la table, ma mâchoire se rétractant d'une impulsion d'un coup de sang et de colère que je contenais entre mes dents. Mes mains jointes j'effleurais du bords de ma bouche mes poings se serrant.

« Tu ne sais rien de Rome, tu ne sais pas de quoi ils sont capables. »

Je me relève je n'ose même pas penser à ce qu'elle aurait pu entrevoir et faire et si elle était aussi honnête que ce qu'elle voulait bien admettre. Je fais quelques pas vers la porte, d'un revers de main j'essuyais mon nez légèrement humide face au climat. Dans mon esprit bien des tourments, des sévices et un goût certain pour la vengeance perturbent mon comportement. Je ne laisserait pas cela passé et pourtant je me retenais déjà de la saisir par sa chevelure brune et lui extirper peut-être plus que ce qu'elle n'osait dire.

« Rome n'est pas un endroit sûr, ni pour toi ni pour personne ! »

Je parlais en connaissance de cause. J'étais l'un de ces rapaces aux serres puissantes et acérées. Je me devais de faire un exemple de cette petite idiote stupide et inconsciente. Je passais finalement une main le long de ma joue machinalement pour occuper mon esprit et détourner l'attention sur laquelle je voulais lui faire payer chaque mensonge, chaque traîtrise.

« Et eux aussi sont au courant ? J'en ai assez entendu pour se soir ça suffit ! » Je me fermais à tout dialogue. Qui avais-je réellement en face de mes yeux ? Cette petite sotte fragile ou quelque chose d'autre ? Je ne la reconnaissais pas et je ne me reconnais plus non plus. D'un coup d'un seul je la giflais faisant retentir le son instinctif de la paume de ma main sur sa joue. Celle-ci tu ne l'as pas volée. Je raffermissais mon autorité sur celle qui devait devenir ma femme et je comptais bien me servir de mon autorité sur elle pour la faire filer droite.

Je prenais la direction de la chambre le silence pesant pour celle réponse à ces banalités qu'elle essayait de mettre en avant de notre échange pour noyer le poisson. J'étais loin d'être stupide et encore moins celui qui allait se laissé convaincre de ces paroles sordides.

« Je parlerais à ton père. Les choses doivent changer ici. » Clamais-je dans cet orgueil piqué à vif dont elle croyait pouvoir se jouer en cette nuit. Cela faisait bien trop longtemps que je perdais mon temps ici et bien trop que je cherchais à dompter dans l'accoutumance d'une vie de sale sauvage cette stupide fille.