Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts [ft. Azura Layndos ¤ Avril 902]

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts@Azura Layndos ¤ Ulter Hërling

¤ Avril 902 ¤

Le soleil filtrait à peine, ce matin, à travers les fenêtres de la tour. Ulter voyait voleter les grains de poussière, suivant leur route lente, dans les faibles rais de lumière qui venaient s'écraser contre les parchemins éparpillés sur la table. Cependant, lui d'ordinaire passionné par son travail d'archivage... n'avait en l'occurrence pas la tête à l'ouvrage. Il attendait avec hâte une visite particulière.
Les chiffres s'enchaînaient mécaniquement sous sa plume. Il n'y prêtait que l'attention nécessaire à ne pas fausser ses comptes. Les calculs ne lui avaient jamais posé difficulté et il les accomplissait à vive allure. D'ici ce soir, Ulter se serait acquitté du remplissage du document où il mettait à jour les ressources d'Yggradsil. Alors qu'il officiait, ses pensées étaient tournées vers Azura. Elle arriverait d'une minute à l'autre. Il lui tardait de la rencontrer... autant qu'il redoutait cette entrevue.
Non pas que sa présence lui cause un quelconque déplaisir – au contraire ! Ulter appréciait la douceur de la guérisseuse, son caractère attentionné, le cœur et la passion qu'elle mettait à son art. En revanche, il craignait ce qu'il serait susceptible de découvrir en conversant avec elle d'ici peu de temps. Du moins... si la demoiselle – réservée comme il la connaissait – acceptait d'accorder sa confiance et d'offrir à l'archiviste un dialogue à cœur ouvert. Ulter s'inquiétait pour elle.

Alors même que tout était censé sourire à Azura, que ses récentes fiançailles auraient dû plus que jamais la rendre rayonnante et la combler, que toute la cité devrait vibrer à l'unisson avec sa joie de couple... les choses semblaient aller autrement. La jeune Layndos avait changé. Oh, son évolution était discrète, à peine perceptible via des signes subtils, mais Ulter avait le fâcheux pressentiment que quelque chose ne tournait pas comme cela le devrait. Et cet homme à qui elle avait dit ''oui''... le fils Hërling ne l'avait toujours que moyennement senti. Il s'était pourtant efforcé de se convaincre que le problème venait de lui-même, que les premières impressions étaient trompeuses, qu'il avait une fâcheuse tendance à l’exigence et au jugement parfois sévère... Malgré tout, cet homme-là... Il portait en lui, aux yeux d'Ulter, quelque chose d'abrupt derrière les si fréquentes et si démonstratives preuves de son amour pour Azura, ou encore de toutes ses valeurs en étendard.
Les choses tournaient si vite sous le crâne de l'archiviste ! Il se mordilla la joue et prit son front plissé de soucis dans sa main. Et s'il se faisait des idées ? Ulter redoutait les biais de pensée et les préjugés susceptibles de le fourvoyer. Il n'avait nulle preuve concrète. Juste une drôle d'impression, et dans son cœur l'image trouble de cette si aimable Azura qu'il arrivait beaucoup moins bien à comprendre et à approcher depuis quelques temps. L'idée qu'elle puisse traverser de mystérieuses difficultés lui tournait en un coin de tête comme une agaçante petite puce et refusait de s'en aller.
Alors, il avait franchi le pas. La solution lui était apparue : faire venir la jeune femme à la tour des archives, sous le prétexte évident de soins à lui apporter. Il fallait dire que ses jambes, en plus de constituer pour lui un poids mort, avaient le mauvais goût parfois de lui impulser de désagréables raideurs. Ulter savait qu'Azura – toute érudite qu'elle était dans son domaine – ne pourrait jamais le délivrer de cette infirmité qui avait laissé impuissantes même les plus brillantes sorcières de la ville. Cependant, l'herboriste saurait sans doute soulager les tensions de ses membres inférieurs ?

Et ce serait lors de cette consultation que – espérait Ulter – une conversation fournirait d'éventuels indices... voire des pistes à emprunter, s'il s'avérait bel et bien que quelque chose ne tournait pas rond pour cette demoiselle si attentionnée, vive et créative, à qui l'archiviste ne souhaitait que d'aimer quelqu'un qui la méritait. Toutefois, si rien d'anormal ne se révélait, la venue d'Azura serait aussi, tout simplement, l'occasion d'un bon moment en compagnie d'une jeune fille avec qui un riche dialogue serait possible. Comme lui, on disait qu'elle appréciait les livres, le savoir, qu'elle était curieuse et sensible à moult formes de création. Avec elle, Ulter était sûr qu'il ne s’ennuierait pas. Qu'il ne ressentirait rien de ce décalage trop souvent marqué avec d'autres habitants d'Yggadail, bien davantage portés sur les activités physiques.

Quelques petits coups résonnèrent à la porte, décuplés par l'écho entre les hautes parois de la tour. Le jeune homme se redressa et abandonna aussitôt sa plume. Comme à son habitude, il se mit au sol et rampa : plus rapide et plus pratique, dans les escaliers en colimaçon, que de batailler avec ses béquilles. Ulter serpenta ainsi sur deux étages. Une fois au rez-de-chaussée, il se hissa à un meuble, de toute la force de ses bras musclés par de tels exercices quotidiens, et tira le loquet après avoir reconnu Azura dans le petit judas de la porte. L'archiviste prépara son plus amical sourire et s'efforcerait de tenir debout, accroché au meuble, au moins le temps d'accueillir une invitée comme il se devait.
:copyright:️ DABEILLE

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts

Roland m’attrapa par le poignet et me plaqua au mur. Je frémis en m’appuyant de toutes mes forces contre le mur comme-ci je voulais m’y fondre absolument. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Il me terrifiait. Je retenais mon souffle. Il était arrivé au moment où je préparais mes affaires pour aller voir Ulter. Le pauvre, malgré mes efforts je ne pouvais rien faire pour l’aider avec ses jambes, je ne pourrais lui rendre, enfin le soulager un peu comme je le pouvais. Et Roland ne pouvait pas le supporter… Alors que l’homme en revanche était une crème, un homme intelligent, doux et bon. Nous étions amis, simplement… Et nous ne faisions rien de mal, je l’aidais, on papotait et je repartais tranquillement. Il serra mon poignet de toutes ses forces et je retiens un gémissement de douleur.

« Tu ne devrais même pas t’approcher de ce monstre ! Qu’est-ce que les gens vont penser si je te laisse seule aller chez lui ?! »

Je frémis de terreur et me plaquai encore davantage contre le mur avant de balbutier :

« Je le soigne depuis longtemps et… »

La claque me surprit et je sentis mes yeux se remplir de larmes. Il me secoua avec violence avant de me pousser avec violence contre le comptoir. Je me le pris avec violence, j’aurais sans aucun doute un bleu. Roland attrapa mes cheveux et les tordit avec violence avant de m’ordonner de prendre mes affaires puisqu’il allait m’accompagner. Je remplis sagement mon sac de tous mes onguents, de mes plantes et de tout ce qu’il fallait. Tout était prêt, Roland me tendit le bras et d’un regard il m’obligea à poser ma main sur son bras. J’avançais dans la ville sans rien dire, composant un visage joyeux et heureux… Qu’est-ce que je pouvais bien faire ? Roland frappa à la porte et on attendit un peu avant qu’Ulter n’arrive, Roland se plaça sur le côté pour qu’il ne le vît pas.

« Bonjour Ulter ! Comment allez-vous ? »

Roland et… ton amabilité de façade. Il m’embrassa la joue et disparu. Je sentis un poids me quitter et je souris à l’archiviste.

« Bonjour Ulter. Je suis contente de vous voir. »

Je me glissai à l’intérieur des archives avant de refermer la porte derrière moi et de glisser un bras autour de la taille d’Ulter pour l’aider à se déplacer pour qu’on s’installe, là où on avait l’habitude pour les soins :

« Comment allez-vous aujourd’hui ? Les douleurs ? Et la dernière potion que je vous ai faite pour dormir ? Est-ce qu’elle vous soulage un peu ? »

Je devrais probablement faire attention, j’avais sûrement une marque sur le bras là où Roland avait serré de toutes ses forces, et un autre là où je m’étais pris la table. Mais il ne verrait sans doute rien
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Codage par Libella sur Graphiorum

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En ouvrant la porte, Ulter eut la surprise d'entendre la voix de Roland qui lui demandait comment il se portait. L'archiviste ne s'attendait pas à découvrir Azura en compagnie de son fiancé. Il ne montra rien cependant de son léger étonnement et répondit avec politesse et entrain :

« Oh, bonjour Roland. Je vais bien, je vous remercie. Et... »

Il s'apprêta à retourner la question mais déjà, le solide gaillard embrassait sa compagne et s'en retournait, laissant la guérisseuse entrer seule dans la tour. Une fois en tête à tête avec elle, le sourire d'Ulter s'agrandit tandis qu'il lui rendait son salut. L'infirme se décala pour la laisser entrer, la main toujours appuyée contre le meuble et son corps penchant de tout son poids dessus.

« Plaisir partagé, vous savez. Toujours heureux de vous recevoir. » répondit-il avec un enthousiasme qui laissait deviner la pleine honnêteté qu'il mettait en ces mots – qui pour le coup ne relevaient en rien des amabilités d'usage servies à Roland pour la forme. Il n'y avait que ce "vous" qui décidément l'embarrassait. Azura et lui se connaissaient comme depuis toujours, mais quand elle était officiellement entrée en service en tant que guérisseuse, elle lui avait demandé que, lors de ses visites sous les habits de la soigneuse et non de l'amie, cette petite marque de distance professionnelle soit observée. Sans doute attendait-on cela d'elle. Cela avait fait drôle à Ulter, mais il avait accepté.

Les deux hommes ne s'étaient jamais dit grand chose, en vérité. Ulter apprécia de voir un sourire aux lèvres d'Azura et sentit son bras autour de sa taille : elle tenait à l'aider pour gagner la petite salle où ils s'installaient pour les soins. D'un hochement de tête et par la douceur de son regard, l'estropié se montra reconnaissant pour cette attention et se laissa assister. D'une main, il s'appuya à l'épaule de la guérisseuse en veillant à ne pas lui faire mal, et de l'autre il continuait de se sécuriser le long des murs et meubles à sa portée. Le lourd frottement de ses jambes résonnait au sol.

« Roland a l'air prévenant... Vous accompagne-t-il donc ainsi vers chacun de vos patients ? » demanda-t-il d'une voix faussement distraite, comme si ce n'était qu'une question en passant tandis qu'ils se déplaçaient vers l'endroit où ils s'installeraient.

Voir la jeune femme ainsi accompagnée de son homme sans raison apparente – car il n'avait de toute évidence rien eu de particulier à dire ou à demander à Ulter – laissait ce dernier quelque peu intrigué. Oh... Après tout cela pouvait arriver ponctuellement. Mais tout de même, Roland devait aussi sûrement avoir son propre travail. Alors seconder ainsi sa femme vers la maison des patients...
Suite à une marche au rythme lent de l'invalide, le duo entra dans la pièce étroite mais chaleureuse où l'archiviste recevait. Il s'installa sur le fauteuil près d'une table où attendaient des victuailles, sourit à Azura pour son aide et lui pointa un confortable siège. Ulter désigna, de sa paume ouverte au-dessus de la table, un bol de crêpes roulées et un pot où bouillonnait une infusion. Des volutes de vapeur dansotaient au-dessus de la boisson et quelques tasses étaient empilées à côté du récipient.

« Puis-je vous servir un petit quelque chose ? » proposa-t-il.

Il avait cette habitude de proposer à ses hôtes quelques instants de tranquillité autour d'un en-cas avant d'aborder ce qui pouvait les amener, les uns ou les autres.

« Je me porte bien, merci. On dirait qu'en ce moment les raideurs sont plus rares, et les douleurs avec elles. Surtout la nuit. Il semble que votre potion ait été très efficace. »

Son regard glissa vers un meuble sur le côté, où attendaient les différentes herbes et médications, au milieu de l'habituel fatras de l'intellectuel quelque peu désordonné : livres ouverts, rouleaux, pots d'encre en réserve. Heureusement, au milieu de ses effusions cérébrales, dont un tel foisonnements d'objets de toutes parts était la trace, Ulter parvenait toujours à retrouver ses affaires. En l'occurrence, le flacon qui contenait la dernière potion remise par Azura attendait contre la paroi de l'armoire. Il restait encore du produit, indiquant la parcimonie avec laquelle il l'utilisait – autant ne pas être en panne avant la prochaine visite de la jeune femme. Un peu plus loin se trouvait le sofa au tissu usé où Ulter s'allongeait quand il fallait que ses jambes soient directement manipulées.
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Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts

Roland n’aimait pas Ulter. Vraiment pas et pourtant il le cachait très bien également. Comme il avait caché son véritable visage. Je ne savais pas réellement quoi en penser. Du moment que Roland ne le touchait pas c’était plus important. Il n’avait pas à lui faire du mal, ou même de le regarder. Ulter était quelqu’un de très gentil et vraiment de bon et d’érudite. Et j’aimais passer du temps avec lui. Même si c’était très souvent d’un point de vue professionnel. Il était un homme très bon. Je me glissais à ses côtés pour l’aider à marcher tranquillement sans difficulté. Il se soutenait également de son côté, je lui souris, j’étais bien avec lui. Et c’était sans doute pour ça que Roland ne supportait pas de me voir avec lui. Parce que j’aimais passer du temps avec lui. Je tournais le regard vers lui, me tendant légèrement quand il évoqua Roland. Je me mordis la joue.

« Non… Il avait du temps il en a profité aujourd’hui. »

Moins je pouvais évoquer Roland mieux cela serait. Et j’aurais vraiment besoin de me concentrer pour les soins. J’allais après tout devoir le masser d’une manière particulière pour le soulager. Je glissais une mèche derrière mon oreille en l’installant dans son fauteuil avant de m’asseoir dans le fauteuil en face de lui. Comme d’habitude il avait parfaitement préparé la table pour mon arrivée. Je reniflais l’infusion avec un sourire. Délicieux. Je nous servis deux tasse d’infusions avant de lui tendre.

« Juste de la tisane alors. »

J’observai la pile de document et de parchemins qu’il y avait partout. Je souris, je me sentais bien ici… Vraiment bien. Je bus une gorgée d’infusion en hochant la tête. Bon et bien tant mieux ! Je lui en referais au besoin, cela ne pourrait que lui être utile. Plus rares ? Il me semblait pourtant dans le message qu’elles étaient plus violentes ! Je n’étais pas sûre… Enfin pas très grave si je pouvais éviter Roland tant mieux.

« Bon et bien parfait ! Je vois que vous étudiez toujours autant, rappelez-moi de venir vous porter quelques copies des ouvrages des Layndos, je pense que cela vous plaira beaucoup. Pour la potion il vous en reste beaucoup ? Ou dois-je vous en refaire ? »

Je me levais en reposant ma tasse avant de m’étirer longuement en l’observant avec attention avant de préparer le canapé pour qu’il y soit bien installé. J’avais l’habitude maintenant. Je recouvris le canapé d’un drap pour ne pas le salir avec les onguents. Je l’observai à nouveau avec attention :

« D’autres douleurs ? Des gènes ? Des choses comme ça ? »

Autant que je fasse une vérification complète, je préférais vraiment me concentrer sur ses soins et sur ce qu’il souhaitait parler que sur moi.

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Malgré ce qu'assurait Azura au sujet de Roland, quelque chose semblait aller étrangement. Elle paraissait gênée, avec ce pincement au creux de la joue que trahissait une petite moue. Ulter préféra ne pas trop insister d'une façon ou d'une autre – mais décidément il restait persuadé de quelque ennui. L'archiviste hocha simplement la tête, et répondit... après un court blanc cependant :

« Je vois. »

Sans rien ajouter, il se laissa installer dans son siège et fut heureux de voir Azura accepter de prendre un peu de tisane en sa compagnie. Les galettes quant à elles resteraient de côté et il ne manquerait pas d'en grignoter à son prochain repas, ou lors d'une courte pause entre deux pages à calligraphier plus tard dans sa journée. Il récupéra la tasse tendue par la jeune femme.

« Merci. Eh bien... à notre santé. » glissa-t-il dans un sourire avant de déguster quelques gorgées. « Vraiment ? » se réjouit-il tandis qu'Azura lui proposait de lui amener des ouvrages de sa famille. « Avec plaisir ! De quoi parlent-ils ? » Ulter sirota un peu de boisson, se sentant plus léger à évoquer ces plaisants sujets livresques qui les réunissaient, entre autres choses. Et cependant ses inquiétudes pour Azura restaient en toile de fond tel un spectre. Pourtant, il fallut donner le change. « De mon côté j'ai fait l'acquisition de codex de poésie – Les Chants rouges du Valhalla et les Stances d'Erda – et même d'une pièce comique Romaine. » Il ajouta avec un clin d’œil : « Connais ton adversaire, dit-on. J'y inclus sa littérature. » Il vida sa tasse puis proposa, toujours avec le même entrain à la conversation : « Souhaiteriez-vous que je vous prête aussi des textes ? »

Il jeta un coup d’œil à sa réserve de potion : il ne lui en restait qu'un fond. Aussi avait-il une bonne raison d'avoir fait revenir Azura, même si les douleurs étaient moins vives. Il les avaient quelque peu exagérées dans son courrier à la guérisseuse, pour s'assurer ainsi de sa venue et éviter que son compagnon n'y trouve à redire – s'il était bel et bien oppressif comme Ulter le redoutait.

« Il va me falloir un nouveau flacon en effet. » répondit-il, en suivant du regard ses gestes pour préparer le divan, avec toujours autant de précaution pour qu'il soit au mieux. « Oh... les douleurs me laissent à peu près tranquille avec votre traitement. Les dernières très violentes que j'aie eues, c'était avant de vous écrire, mais cela se fait plutôt rare. Pourvu que votre potion prise régulièrement finisse par les espacer encore plus. Ce me semble bien parti. » Il se pencha pour empoigner ses jambes et les déplacer sur le côté, avant d'attraper une de ses béquilles pour se préparer à rejoindre le divan. Azura allait lui faire aux jambes un de ces drainages qui lui procurait beaucoup de bien.
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Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts

Je levais la tasse vers lui avant d’en boire une gorgée. Délicieuse Ulter savait parfaitement recevoir et c’était un patient exemplaire. Je ris à sa remarque et secouais la tête. Oser demander ce que contenaient les livres et ouvrages des Layndos ?

« Ulter ! Vous vous moquez ! Que peuvent contenir les écrit d’une famille de guérisseuses ? Des remèdes, des observations sur des maladies et les plantes ! Ce sont des encyclopédies de médecines très complètes. Nous les recopions beaucoup entre nous pour éviter que des savoirs se perdent. J’ai recopié plusieurs passages entiers de vieux grimoires avec ma mère, c’est assez amusant, sur un même grimoire vous pouvez avoir trois ou quatre écritures différentes. Selon qui a commencé à le recopier. Si bien que… je crois que nous n’avons jamais perdu aucun savoir ! »

Je l’écoutai m’expliquer ses nouvelles écritures. Je hochais la tête : il faisait quand même un travail remarquable, je lui souris tranquillement avant de rire pendant qu’il évoqua la comédie. Pourquoi pas ? Je finis de préparer le canapé en secouant la tête.

« Efficacité à ce que je vois ! Je vais aussi vérifier vos poignets. Histoire qu’ils ne soient pas raides. »

Je me notais également de le masser d’une manière ou d’une autre. Et un nouveau flacon. Je souris et hochais la tête. Je lui souris largement avant de m’approcher pour l’aider.

« Et bien ! Vous allez finir par avoir un chapitre pour vous tout seul dans les prochains ouvrages médicales des Layndos ! »

Je l’installai confortablement avant de sortir tranquillement mes baumes et onguents et potions. Je l’aidais à ôter son bas avant de remonter également ses manches pour vérifier ses poignets un peu plus tard quand j’aurais fini de m’occuper de ses jambes. Je remontais mes manches dévoilant sans le voir la marque que m’avait fait Roland, mais je n’y fis pas attention pour le moment. J’étalais dans un premier temps l’onguent sur les jambes de mon ami avec un sourire, je massais un peu pour faire pénétrer le produit avant de regarder mon patient.

« Comme d’habitude, si je vous fais mal, vous le dîtes ? »

Je commençais à le manipuler tout doucement en surveillant chacune de ses réactions, vérifiant aussi par la même occasion qu’il n’y avait pas d’escart ou de marques ou quoi que ce soit. C’était très long à faire, pour une séance complète j’en avais bien pour deux heures, je préférais prendre mon temps pour m’assurer que tout se passait très bien. Il ne fallait pas être pressées dans mon métier. Je fronçais les sourcils.

« Essayez de forcer un peu… J’ai l’impression qu’il y a du mieux non ? J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de mieux, non ? Enfin, ce n’est qu’une impression… »

Si je pouvais le masser tous les jours, tout ça… peut-être que je pourrais faire quelque chose d’encore mieux. Je fronçais les sourcils en le manipulant avec beaucoup d’attention, j’avais bien l’impression qu’il y avait un mieux. Je pliais doucement la jambe.

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« Me moquer ? » fit Ulter en arquant un sourcil, le ton toujours léger et amical, après le petit rire d'Azura. « Mais du tout, j'étais sérieux. Je me demandais de quelles plantes, ou pathologies, ou quel point médical spécifique traitaient ces textes que vous proposiez. » Il avoua dans un sourire : « C'est que j'ai le huitième de vos compétences sur ces domaines, et je crains de n'être que trop largué sur certains points... Même si je ne suis jamais contre un peu de défi ! » Il pencha la tête, songeur, en reposant sa tasse d'un geste distrait. Il imaginait bien que c'était de la vaste collection médicale des Layndos qu'elle lui proposait un échantillon... tout en connaissant ses propres limites sur bien des chapitres de biologie et confection de remèdes : autant les mathématiques, l'Histoire, la géographie, les lettres et la politique n'avaient que peu de secrets pour lui, autant il se sentait ignare en sciences et herboristerie – n'en ayant que davantage d'admiration pour Azura.
Il apprécia ce qu'elle décrivait de ce savoir dont rien ne se perdait. « Ce doit faire d'impressionnants ouvrages, avec toutes ces générations qui viennent s'ajouter les unes aux autres sur la page ! Je trouve cela beau. Voir les écritures de vos aïeules et la transmission qui se continue d'une main à l'autre. Une façon de rencontrer celles que vous n'avez pas connues. » Rêveur, il confia : « Il y a des ouvrages de cette nature aussi dans cette tour. Presque tous les jours, je fréquente ainsi les écritures d'archivistes d'il y a parfois trois siècles, et avec lesquels je fais en quelque sorte connaissance en lisant leur façon à chacun de raconter l'Histoire. Je... me sens petit, à devoir ajouter ma patte derrière toutes les leurs. » Son regard azur restait plongé dans celui de la jeune femme, auprès de laquelle il était si plaisant de confier ce genre de passions livresques.

Soudain il se redressa et, se déplaçant vers le divan, souffla un rieur : « Mais pardon ! Il ne s'agirait pas que je devienne trop bavard ! » Il s'installa, acquiesça d'un hochement de tête quand Azura préconisa de vérifier ses poignets. Ulter accueillit d'un rire l'idée de se voir consacré un chapitre dans un des parchemins des Layndos – enfin, son corps davantage que lui – et, joueur, fit une petite révérence comme flattée qu'il accompagna d'un : « C'est un honneur. »
Il remonta ses manches puis retira les protections qu'il portait aux mains, pour éviter l'irritation de la peau à serrer en permanence le bois de ses béquilles. Azura l'aida à ôter ses chausses. Alors qu'Ulter s'allongeait et que son regard errait ici et là pendant le début des soins, il s'arrêta net en croisant, le long des bras de la guérisseuse, de larges traces violacées. Malgré lui, ses yeux s'arrondirent. Un frisson lui parcourut l'échine. Ces chocs devaient faire souffrir la jeune femme... et c'était elle qui lui demandait si elle lui faisait mal... Il déglutit et ne s'aperçut pas qu'il bafouillait en répondant à ses attentions : « B... Oui... Oui, b... bien sûr... »

Ciel... Que s'était-il passé ? Il finit par pointer les bleus et demanda : « Azura... Par les Dieux... mais que vous est-il arrivé ? » Il se sentit soudain très gêné. À en croire la taille de ces hématomes, c'était un sérieux choc que la guérisseuse avait dû prendre. Et tout récemment. Elle devait avoir bien mal, il ne faudrait pas qu'elle s'abîme davantage dans les manipulations de ses jambes. Alors qu'elle lui demandait de forcer un peu lors d'un des exercices, il s'exécuta. Il hocha distraitement la tête en guise de confirmation qu'il y avait en effet du mieux. Son esprit cependant était à tout autre chose. Il se sentit le devoir de dire : « La... La séance peut attendre si pour le coup c'est vous qui avez mal... Il n'y a vraiment aucune urgence et je ne voudrai pas... » La phrase resta en suspend alors que de nombreuses craintes et un début de colère se bousculaient déjà en son esprit désemparé. Que faire qui pourrait aider Azura... Et quoi dire qui ne soit guère trop gênant ?
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Je haussais les épaules à sa remarque. Il y avait tellement de traité chez les Layndos que… Il devait bien en avoir un pour chaque plante, chaque maladie… Tout et n’importe quoi. Je n’avais pas tout lu, les manuscrits circulaient entre les différentes branches de la famille avec rapidité. Les hommes étaient souvent messagers scriptes ou récolteurs de plantes. Ça les occupait. Même s’ils avaient tous aussi leur propre vie.

« Tout dépend du traité, il y en a sur tout et n’importe quoi. Sachant en plus qu’on se passe les manuscrits de branche en branche… Nous recopions mutuellement tous les manuscrits qui passent dans nos mains pour compléter nos collections. Les époux frères etc, sont mit à contributions, ils transportent les manuscrits, vont chercher les plantes et recopient. Tout est fait pour protéger nos savoirs. Et j’ai beau les étudier depuis des années, je ne suis toujours pas parvenu à tous les mémoriser. »

Je continuais à en apprendre tous les jours, mais on s’y faisait, puis moi-même j’avais mes carnets d’observations. Chaque famille avait ses traditions… Chez les Layndos c’était la médecine, certains c’était l’écorchage, chacun son truc on allait pas trop juger, mais un peu quand même. Je souris à sa remarque et hochais la tête. C’était toujours très impressionnant, mais on se sentait soutenue, guidé… C’était aussi rassurant.

« Tout à fait ! Et je comprends tout à fait votre sentiment. J’ai le même quand je relis des textes si anciens et que je les recopie. »

Je l’aidais à se déplacer jusqu’au divan avant de le faire rire à ma remarque, je lui fis un clin d’œil. D’habitude on était pas si flatté d’être dans un ouvrage de médecine, mais ce n’était pas grave, du moment qu’il le prenait bien. J’avais complètement oublié les bleues, occupée par mon travail, de toute manière, ils ne faisaient pas mal. Alors j’étais en train de vérifier les jambes de mon patient, et j’étais toujours honnête dans les moments de soin. J’avais du tact, mais je disais la vérité. C’était souvent le meilleur moment pour m’interroger. J’étirais doucement la jambe, les sourcils froncés par la concentration. Je marmonnais machinalement toujours concentré sur chacun de mes gestes :

« C’est rien… C’est Roland ce matin il ne voulait pas que je vienne vous voir, il ne veut pas que je sois seule avec des patients masculins… Ça ne fait pas mal ne vous inquiétez pas. Pas d’escart ? Pas de douleur ou quoi que ce soit dans ce genre ? »

Je m’apercevrais de ce que j’avais dis bien après sûrement. Mais ça ne serait que trop tard. Puis ce n’était pas important. Je continuais de masser les jambes et faire tous les gestes qu’il connaissait maintenant par cœur. Je m’assis sur le sofa et posais sa jambe sur les miennes pour masser et regarder de plus près m’assurer qu’il n’y avait vraiment rien du tout. Je souris.

« On commence à avoir du mieux ! Je ne pense pas que vous puissiez un jour marcher normalement, mais… peut-être au moins vous tenir debout en vous appuyant sur des cannes ou quelque chose dans ce goût là ? Du moins si on continue dans cette direction. Vous en pensez quoi ? »

C’était lui le patient, lui qui décidait pour son confort et ce qu’il aimait ou non.

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Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts@Azura Layndos ¤ Ulter Hërling

Ulter se lassait porter par le récit d'Azura, partageant sa fierté à exposer les méthodes de travail de la lignée Layndos. Une véritable histoire de famille où femmes et hommes coopéraient dans la transmission du savoir autant que dans sa protection et sa pratique. Rêveur, l'archiviste laissa un sourire flotter à ses lèvres. Aurait-il un jour une femme, une descendance ? Pourrait-il partager sa passion avec des proches aimés de tout cœur ? Et pas seulement au petit apprenti qui œuvrait en ce moment à la tourelle, quoiqu'il était ravi de former ce garçon et de lui enseigner les trésors de ces archives, comme le vieil Orwäld l'avait éduqué aux subtilités des comptes, de l'Histoire, des affaires politiques à consigner pour la mémoire d'Yggradsil. Ulter n'avait nul regret à ne pas suivre la voie familiale des Hërling, dont la majorité des hommes officiaient dans les armes et le combat.

Il s'échangèrent un regard complice à ce sentiment agréablement partagé... celui de se sentir petite main, humble devant les flots de savoir dont à leur tour ils se faisaient l'écho pour les générations futures. Et dire que les plus virulents politiciens de Rome, ceux qui s'opposaient farouchement à l'indépendance d'Yggradsil, ambitionnaient de réduire à l'oubli toutes les richesses de leur Cité...
D'une légère secousse de la tête, Ulter chassa ces tristes idées pour profiter de l'instant présent, de la venue d'Azura, de la séance de massage et de drainage qui allait comme d'habitude lui procurer un bien fou. La bonne humeur cependant fut de courte durée : l'archiviste découvrit les bleus aux bras de la jeune femme et posa sa question. La réponse lui fit lui glaça le sang. Il entrouvrit la bouche, écarquilla les yeux. Avait-il bien entendu ? Roland... Le cœur de l'infirme accéléra, un nœud lui serra la gorge. Il en fut incapable de bouger et de prononcer la moindre parole pendant de longues minutes. Ulter restait sidéré. Il en oublia les mouvements de ses jambes, laissant la guérisseuse les manier tels deux bouts de chiffon qu'il ne sentait plus en cet instant. Dents serrées, l'archiviste ne profitait pas du bien-être que lui procurait pourtant les gestes d'Azura. Il n'entendit même qu'à moitié les remarques qu'elle lui adressait quant à son état de santé. Une vague poignée de mots lui parvint à l'esprit. Du mieux... Vous appuyant sur des cannes... Vous en pensez quoi ?

« O... Oui... » bafouilla-t-il d'une voix blanche comme en aurait eue un revenant, après avoir secoué bêtement la tête à la question qu'il avait d'ailleurs à peine écoutée : celle de ses escarres et douleurs. Ciel... Et celle qui s'inquiétait de cela était bleuie de coups... Les yeux de l'invalide s'embuèrent. Il cilla pour ne pas laisser voir les larmes de rage qui lui montaient – encore moins les laisser couler.

Ulter était toujours immobile, crispé, le souffle presque coupé. Rien ? Par les Dieux, comment avait-on pu faire germer une idée pareille dans l'esprit d'Azura. Et surtout, comment cet homme pouvait la battre parce qu'elle faisait son travail ?! Il serra discrètement les poings. Il s'en voulut : personne n'avait rien vu dans la cité. Et Azura subissant ce calvaire au quotidien. Et Roland donnant le change en public. C'était ainsi qu'Ulter prenait peu à peu conscience de la portée de ce qu'il venait d'entendre, un constat terrible en amenant un autre, puis un autre, puis la question : que faire ?

« A... A... Azura mais... » renouait-il péniblement avec les mots, avant d'enfin parvenir à murmurer d'une traite : « Ce n'est pas rien, c'est grave. Depuis quand est-ce qu'il vous... » L'archiviste ne put achever sa question. Un sinistre silence s'ensuivit, dans lequel ne perça que le bruit de sa pénible déglutition. Était-il possible de se montrer si possessif, si cruellement jaloux ? Roland et sa mine mielleuse de façade... Ses manières dissimulatrices... Ulter eut soudain peur des réactions qu'il pourrait avoir si l'individu avait le culot de se présenter là, à sa porte, comme si de rien n'était. En attendant, il fallait faire vite et converser de son mieux avec Azura quant à l'après... Car rien n'allait lui sembler comme avant désormais. Pas après cette nouvelle comme un coup de glas.

:copyright:️ DABEILLE

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts

Je baissais la tête sur les jambes d’Ulter. Discrètement j’essuyais vivement mes joues pour qu’il ne vît pas une potentielle larme. Je ne pouvais pas en parler. Comme je ne pouvais pas parler non plus des viols… De tout le reste… J’avalai ma salive. Que penseraient les gens ? Ici, dans cette ville pour les femmes… Je n’étais pas moi-même capable de me défendre… Et pourtant je venais d’en parler à quelqu’un. Même ma propre famille n’était pas au courant. Ce qui était logique… Falcon et Osmon l’auraient tué de leurs propres mains où l’aurait traîné devant la justice. Mais même à eux je n’osais rien dire. J’avais peur de Roland, de ce qu’il pouvait faire… Je restais silencieuse en continuant mon massage, reprenant de l’onguent quand il y en avait besoin, continuant les manipulations avec douceur. Je finis par avouer d’une voix étranglée :

« Quelques semaines après que nous nous sommes fiancés… »

Et cela faisait un an. Et c’était aussi clairement l’une des raisons pour lequel nous n’étions pas encore mariés et que je retardais, repoussai et faisais tout ce que je pouvais pour ne pas parler du mariage. Ma mère ne l’aimait pas non plus, mais elle ne savait pas pourquoi. Si elle savait… Elle aussi avait de quoi empoisonner quelqu’un. Ce n’était pas difficile en réalité. Une guérisseuse était aussi une empoisonneuse si elle le voulait. Je profitai du fait que je lui tournais le dos pour essuyer aussi mes joues. Heureusement qu’il n’avait pas vu le bleu que j’avais sur le ventre… Et qu’il ne savait pas pour le reste. Je ne pourrais pas en parler… C’était trop douloureux… Qu’est-ce qu’il se passerait si cela se savait ? Je n’aurais plus rien. Une femme à Yggdrasil se faisant maltraiter ? Il fallait que je trouve le moyen de me débarrasser de lui… Mais Roland me terrifiait au plus haut point. Il avait la main leste et précise. Trop précise. Et il avait de la force.

« Ulter, promettez-moi de n’en parler à personne ! Si les gens savaient… Qu’est-ce que je deviendrais ? Ma réputation de guérisseuse… tout ça… Je la perdrais… Et mes frères… ma famille ! Je leur ferais honte ! Je vous en supplie, ne dîtes rien à personne ! »

Finis-je par dire en me retournant vers lui sa jambe toujours entre mes mains. Bien que je sois incapable de lui faire mal. Il le savait, mais je ne pouvais pas risquer qu’il en parle à qui que ce soit…

Codage par Libella sur Graphiorum

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts@Azura Layndos ¤ Ulter Hërling

Le silence qui s'installa lui sembla interminable. Chape de plomb d'un secret si pesant. Si indicible qu'à peine avoué, il semblait qu'Azura devait le ravaler en elle, le déglutir, et empêcher jusqu'à ses larmes de couler. S'empêcher toute entière... à continuer son office et à donner le change devant toute la cité, à s'interdire que n’apparaisse la moindre trace. Gorge nouée, Ulter restait figé. Le seul roulis de son souffle lui devint pénible alors même qu'il ne pouvait qu'effleurer une infime partie de l'horreur subie par la jeune femme. Pointe visible d'un glacier dont l'ampleur dépassait ce qui pouvait s'imaginer ou se comprendre. Mais déjà de trop, cette pointe.
Une année. Le calcul avait été très vite fait après la réponse d'Azura. Une putain d'année. Cela apparaissait soudain si long tandis qu'il en mesurerait chaque jour de souffrance. Sur le papier, les saisons, les mois, les centaines de nouveaux matins... ce n'étaient que des chiffres. Quelle portée prenait-il cependant dès que le cauchemar quotidien de certaines intimités paraissait ! Grâce au Ciel, Azura n'était pour l'heure que fiancée à ce salaud, peut-être serait-il encore temps ? Un mariage est déjà plus ardu à défaire. Pour avoir consigné des dizaines d'unions dans ses rapports – et pour certaines d'entre elles ensuite : des demandes de séparations accompagnées de moult justifications à fournir – l'archiviste ne savait que trop certaines difficultés nées entre des familles une fois serment scellé mais plus tard regretté...
Des rides de souci venaient de strier son front soudain plissé sous ses réflexions. Que serait-on en mesure de faire pour éviter l'échéance fatidique ? Il fallait, déjà, que la jeune femme se sente d'en parler... et à quelqu'un d'autre que lui. À ceux qui pourraient agir afin d'inquiéter Roland en justice, de protéger Azura, pourquoi pas de chasser le nuisible ? ...Et pourquoi pas falsifier les documents officiels en sa possession ? Faire disparaître ces fichues fiançailles de la mémoire des parchemins administratifs, puisque l'on disait qu'avec le temps seuls les écrits restent et parlent. Ulter secoua la tête. Non. Il commençait à délirer sous le coup de la panique à sa colère mêlée. Le voilà à penser n'importe quoi. Il inspira lentement, cherchant à se recentrer – et quelque peu aidé à cela par les bienfaits du drainage qui commençait à se faire sentir dans ses jambes, ou encore par les bonnes odeurs des baumes qu'utilisait la guérisseuse et dont la pièce se trouvait déjà parfumée.

L'apaisement fut bien court : comme il le redoutait, Azura le suppliait de ne rien dire. Un frisson le parcourut. Se retrouver complice de la main du bourreau... Elle exprimait des craintes légitimes : la réputation de sa famille, la honte, le risque de voir ses frères quérir eux-même vengeance... Autant d'embûches à cogner sous le crâne d'Ulter, à se heurter violemment à son propre flot d'émotions et de solutions toutes plus embryonnaires les unes que les autres. Saisi d'effroi, il se redressa d'un coup, appuyé sur ses mains, pour se retrouver à présent assis sur le divan et ses yeux plongés dans ceux d'Azura.
Alors ses mots sortirent, vibrants d'émotions, en désordre mais sincères : « Il faudrait pourtant que... vous le disiez. Vous ne pouvez pas continuer de subir ça et encore moins vous marier avec... » Le nom de Roland ne put franchir ses lèvres. Une grimace le remplaça. « Nous pourrions faire quelque chose dans la cité, et légalement. Le chef serait en mesure d'intervenir pourquoi pas. J'en suis même sûr ! Et il y a des sanctions. Et s'il faut, je peux vous héberger pendant que l'affaire se fait histoire que vous ne retourniez pas un jour de plus avec lui ! Le temps de la procédure vous pourriez vous installer ici, aux archives. » prit-il soin de préciser : lui même ne venait là que pour travailler et dormait à la maison Hërling avec sa plus jeune sœur et ses parents. Il prit sans sa paume son front froissé d'inquiétude. Se redressant, il reprit, plus doux : « Le criminel dans cette affaire, c'est lui. J'espère que vous en êtes consciente. Yggradsil a toujours grandement respecté les femmes, j'ose souhaiter que nul ici n'aurait l'indécence de faire porter la faute à vous et à votre famille. »
Et cependant elle le suppliait de se taire. Le jeune homme déglutit. Il ne pouvait agir contre la volonté d'Azura. Son poing se comprima au rebord du divan. « Puisque vous me le demandez... je... je ne dirai rien à votre place. Mais à mon tour je vous supplie de ne pas rester sans rien entreprendre. On peut s'organiser. J'ignore encore commet, mais si vous le voulez on peut. Et il va de soi que je vous soutiendrai. »

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Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts

Les sentiments de la peur et de l’angoisse doublée par ceux de la honte de ne pas réussir à réagir m’enfermaient encore plus dans mon incapacité à réagir. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Je savais que je devais faire ? Mais je ne savais pas comment le faire… J’avais peur… Il fallait que j’en parle, bien sûr, mais j’avais peur de tout cela. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Déjà en parler à Ulter était difficile. J’avais l’impression d’étouffer de devoir parler. De devoir expliquer. Qu’aller penser les gens ? Je ne voulais pas que ça se sache… Les rumeurs… et qui allaient me croire ? Roland était un homme de l’extérieur charmant, serviable, doux… On me traiterait de menteuse… Je laissais Ulter se redresser et baissai les yeux à sa remarque.

« Je sais que… je ne peux pas laisser ça continuer. Et… et je ne dois pas me marier avec lui… Je repousse ça autant que possible… Mais… je n’arrive pas en parler. »

Déjà lui avoir avoué était très difficile pour moi, alors qu’Ulter était plus qu’un patient : il était un ami !. Je regardais mes mains sans rien dire de plus. Les procédures, venir vivre ici… Je ne pourrais pas abandonner mon échoppe. Je pourrais bien sûr la confier à mes frères pour être sûre qu’il ne tente rien… Mais est-ce que vraiment il ne pourrait pas tenter quelque chose ? Il saurait où je suis… Et il pourrait venir… Je ne pouvais pas faire courir aux archives le moindre risque. Je secouais la tête.

« Je ne veux engager ou mettre dans le pétrin une autre personne que moi… Il… il… il serait capable de vous faire du mal… Et je ne veux pas qu’il vous arrive malheur… ni a vous ni aux archives… »

J’eus un pauvre sourire à sa remarque. Je le savais bien que ce n’était pas ma faute… Mais je me sentais malgré tout coupable de ne pas réagir. Je ne dis rien, serrant juste les mâchoires. Savoir et faire… Je fermais les yeux pour ravaler mes larmes à nouveau. Qu’est-ce que je pouvais dire ou faire d’autres ? Il fallait que j’avance, que je le fasse… J’eus un petit sourire à sa remarque.

« Merci… Je… je vais essayer de le faire… »

Je serrais doucement sa main dans la mienne avant d’imaginer ce que pourrait faire Roland s’il l’apprenait… Je repris les jambes d’Ulter pour continuer le drain et les mouvements, fermant ainsi cette parenthèse. Je continuais tous les mouvements, un à un. Je n’étais pas gênée pour sa nudité partielle. Je lui demandais toujours de faire des efforts, d’essayer de lui-même de faire un mouvement, de pousser, de faire bouger ses jambes. Je ne savais pas jusqu’à quel point je pouvais le soigner et faire bouger ses jambes. Jusqu’où pourrions-nous aller ? Je ne savais vraiment pas, mais je ferais tout ce que je peux pour aller plus loin avec lui. Je fis quand même ma vérification pour les escarts avant de m’asseoir tout prêt de lui et prendre ses mains pour aussi les examiner et faire quelques mouvements. Heureusement… Il n’avait vu que les bleues sur les bras et pas sur le reste du corps. Et il ne savait pas le reste. Je manipulai en douceur sa main et son poignet.

« Je ne vous fais pas mal ? »

Codage par Libella sur Graphiorum

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts@Azura Layndos ¤ Ulter Hërling

La révolte ne quittait pas Ulter, devant la tétanie qui venait de se saisir d'Azura. Elle semblait perdue. Piégée. Sans doute à se demander ce qu'elle devait faire. Ce qu'elle pouvait faire. Et une telle situation ne pouvait qu'ulcérer le jeune homme. Ce serait à Roland de se cacher, de crever de honte, de redouter ce que les gens d'Yggradsil allaient dire – et à juste titre ! Mais pourtant c'était son amie qu'il voyait là, terrée, à dissimuler ses larmes et ses terreurs !
Il fut au moins rassuré d'entendre Azura reconnaître qu'elle devait agir. Au moins n'était-elle pas dans le déni, ni dans l'absolue soumission que trop de victimes se sentaient malheureusement le devoir d'observer. Il lui sourit de toute sa force – un sourire fragile, au milieu de ses traits encore décomposés par le choc. Manière de l'encourager autant que possible dans cette voie.

« En parler, il le faut pourtant. Je sais à quel point ça doit te coûter et les peurs que tu dois avoir... » Il s'interrompit, s'apercevant que le tu lui était naturellement revenu. « À ce point de confidences où nous en sommes rendus et depuis le temps que nous nous connaissons, j'espère que tu n'es finalement pas contre le ''tu'' entre deux vieux amis ? » demanda-t-il alors avec un amical clin d’œil. Il ne tarda pas cependant à revenir aussitôt au sérieux de la conversation. « Le premier pas est le plus dur à faire, même si je suis mal placé pour parler de ''pas''... Mais il y a beaucoup de personnes de confiance dans le village et qui te croiront, toi. Qui te défendront, toi. »

Ulter s'attendait un peu à ce qui suivit : loin de la rassurer, sa proposition de trouver asile aux archives effraya la guérisseuse plus qu'autre chose. Il déglutit. Elle n'avait pas tort. De ce qu'il comprenait maintenant de Roland, il serait capable de venir le molester ou mettre le feu aux archives ! Impensable ! Ulter se sentait le gardien de ces siècles de documents, gardien de tout ce qui organisait l'histoire et le quotidien d'Yggradsil. Prendre de tels risques pour ces trésors dont il avait la charge lui paraissait aussi impensable que de laisser Azura en compagnie de son bourreau. Terrible dilemme... Le jeune homme tenta de se calmer enfin. Il détendit ses bras, puis se rallongea le plus confortablement possible sur le divan, non sans pousser un soupir encore contrit.

« Raisons de plus. Oui, essaye. Il n'y a de toute manière que cela à faire, et s'il faut des témoignages, des paroles de soutien, eh bien compte sur moi pour les apporter. Ta famille est estimée dans le village, et ce depuis des générations. Alors que ce type, on ne sait que si peu de choses de lui en somme, et puis il... Enfin. Bref. Je suis sûr que tu seras entendue. »

Sa voix s'était faite de plus en plus douce, avant de s'éteindre complètement – pour se laisser aller, en silence, au bienfait d'un instant paisible, mains des deux amis l'une dans l'autre. Puis Azura reprit son travail et acheva les différents exercices et drainages dont l'infirme avait l'habitude.

« Non, tout va bien. » assura-t-il tandis qu'elle lui manipulait les poignets. Ulter laissa son regard errer dans le vide – et ses pensées dans le flou. Il savait que dès ce soir, une fois son travail achevé, Azura retournerait vers son bourreau. Pour un nouveau soir comme les autres – un soir de violences. Dieux ! N'y aurait-il nul moyen d'attirer l'individu hors du domicile ? Une seconde, l'archiviste se demanda si, en tant que guérisseuse, son amie ne pouvait pas essayer de droguer son tortionnaire – de lui donner une plante soporifique, mais il trouva aussitôt cette pensée stupide : Azura devait déjà y avoir songé, et elle ne le faisait pas sans doute pour une bonne raison. Cela risquerait encore de se retourner contre elle si son conjoint découvrait quoi que ce fut, s'il devait y avoir un jugement un jour... Il lui était aussi insupportable de savoir qu'Azura allait y retourner... que de sentir l'étendue de son impuissance. L'énergie du désespoir lui faisait vrombir les méninges et le poussa à proposer :

« Et si... on s'organisait ? On prévient des gars du village – et évidemment le chef. On vient ce soir. Plusieurs soirs si nécessaire. Tu laisserais un volet subtilement entrouvert ou que sais-je ? On se planque près de chez vous et... dès qu'on entend que ça chauffe, hop ! Flagrant délit. Plusieurs témoins. Il sera facile de dire qu'un tel et un tel étaient de sortie, et que passant dans votre rue d'inquiétants bruits les ont attirés. Roland, il n'aura rien à répliquer, mis en face des faits. Et pour toi, il sera bien sûr que dans ces circonstances, avec constat des violences, personne ne te laissera un instant de plus avec ce type. S'il pouvait être coffré ce serait même l'idéal. Si on est plusieurs, et Ulrik dans le coup... Enfin... Pardon, je m'emporte, j'envisage des choses... Mais toi, qu'en dis-tu ? »

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Je sentais l’agacement d’Ulter sans même le regarder dans les yeux. Agacement, colère… D’infimes tremblements couvraient ses jambes. Il y avait donc un quelconque nerf ou… quoi que ce soit… Qu’est-ce que je pouvais faire pour l’aider aussi avec ses jambes ? Je glissais une mèche derrière mon oreille, ne réagissant même pas à l’utilisation du « Tu ». Cela me semblait même naturel entre nous. Je ne relevais la tête de ma tâche que lorsqu’il le releva ce « Tu ». Je ne fis qu’un sourire à sa remarque et hochai tout doucement la tête. Cela ne me semblait pas déplacer. Je rejetais à nouveau ma longue tresse en arrière avec un petit sourire.

« Le « Tu » me sembles plus naturelle entre nous oui. Ça fait combien de temps maintenant que je m’occupe de toi et de tes jambes. Peut-être qu’on trouvera le moyen de t’en faire un de « pas », qu’en penses-tu ? »

Je continuais de travailler ses bras et ses jambes pour essayer de le calmer et de le soulager d’une manière ou d’une autre. Moi, ça me faisait du bien de m’occuper des autres. C’était aussi ma manière à moi de me détendre et d’oublier mes soucis. Chacun sa manière de faire. Je m’occupais des autres et j’essayais de les soulager. Je souris à Ulther et hochais la tête. Justement ma famille, je ne voulais pas la contrarier ou lui donner une mauvaise réputation. Alors… je la protégeais aussi de cette manière-là. Des témoignages… Je soupirais un peu.

« Les bleus ne suffisent jamais j’imagine… »

J’en avais pourtant des beaux. Surtout au niveau du ventre et aller prouver un viol… Personne n’était là. J’observais à nouveau ses mains et ses jambes, le laissant se rajuster comme il voulait avant de continuer mes massages et les drains. Je soupirais à sa remarque et son plan fou. Je secouais la tête en continuant de le masser.

« Ce n’est pas une bonne idée Ulter. Il n’est pas idiot, il le remarquerait. Et il est assez malin pour que je crie pas… Je vais repasser demain pour continuer les messages et les drains. Il y a vraiment du mieux, je pense qu’on peut continuer pour aller de l’avant. Je ne sais pas jusqu’où on va pouvoir avancer, mais il faut essayer. Et je ferais vos potions pour vos douleurs dès ce soir… »

En espérant que Roland ne soit pas là.

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts@Azura Layndos ¤ Ulter Hërling

Ulter répondit d'un sourire tendre à la remarque d'Azura quant au certain nombre d'années depuis lesquelles tous deux se connaissaient. Et autant de temps passé par la guérisseuse à venir régulièrement prendre soin de lui. Toujours avec une détermination aussi forte à améliorer son état autant qu'elle le pourrait, ainsi qu'elle le promettait une nouvelle fois. S'il pouvait en faire de même... Trouver rapidement la bonne occasion, la bonne perche à saisir pour faire connaître à des personnes de confiance de qui se passait actuellement chez les Layndos. Ulter et Azura se confiaient beaucoup de choses quant à leurs familles respectives, aux petits tracas mais aussi aux joies du quotidien, sans oublier les nouvelles d'amis communs ou de leurs recherches livresques mutuelles. Mais tout cela s'était un peu tari depuis ses fiançailles avec Roland et l'archiviste en comprenait enfin l'horrible raison. Il se résolut de trouver rapidement à agir – loin d'imaginer alors la mésaventure qui l'attendait ces jours prochains et son futur départ forcé pour Rome...

« Je te fais entièrement confiance, peut-être bien qu'un jour je finirai par mettre pied à terre sans ces cannes. » dit-il, se laissant porter par l'optimisme et la grande volonté de son amie. Les soins avançaient lentement mais sûrement. Si aucun incident, ni aucune interruption de traitement ne venait interrompre leur progrès... alors peut-être bien qu'un jour le grand savoir d'Azura et son égale patience finiraient par faire reculer cette lourde pathologie.

La séance de drainage se termina, dans le silence assombri par les sinistres découvertes qui à présent allaient hanter l'esprit du jeune homme. Il allait falloir se résoudre à saluer la guérisseuse, à la voir partir comme si de rien n'était, à ne rien faire pour le moment et à se remettre au travail. Il s'en révoltait et se sentait déjà tout sauf l'envie de retourner à ses papiers – lesquels seraient bien incapables de le faire penser à autre chose. Il avait plutôt une envie folle de filer chez Ulrik, de tout raconter, ou carrément de se rendre dans l'heure auprès de Roland avec quelques bras costauds rameutés au passage... mais ce serait bien impulsif, irréfléchi et imprudent. Ce serait aussi agir dans le dos d'Azura alors qu'elle venait de lui faire promettre de garder pour l'instant la chose pour lui... Or une bagarre improvisée pourrait encore desservir la famille Layndos, plus que de véritablement aider son amie.

« Ça devrait, portant. » siffla-t-il, amer, au constat triste mais réaliste que faisait la jeune femme quant aux bleus : ils ne suffiraient pas à accuser pleinement Roland pour le moment. Le bourreau lui-même improviserait sans peine à leur sujet. Ulter s'entendit du reste bien vite ramené à la raison par Azura quant aux idées de guet-apens qui lui étaient venues. Vue la malignité, la duplicité du tortionnaire, il serait en effet susceptible de détecter le piège. « Je vois. » dut-il se résoudre à répondre, bien à contre-cœur – avant d'ajouter un simple « Merci pour tout, Azura. » alors qu'elle lui promettait de revenir le lendemain avec les flacons et pour engager de nouvelles étapes de soins.

Quand la guérisseuse le lui indiquera, Ulter se redressera sur la banquette, puis s'occupera à renfiler braies, chausses et tunique. La pointe d'ombre, au petit cadran solaire qu'il s'était confectionné, indiquait que l'heure avait bien tourné : Azura allait devoir continuer ses visites du jour. L'archiviste mit pied à terre, heureux de sentir ses jambes déjà plus légères après le drainage qui s'achevait. S'appuyant sur ses cannes, il se préparera à raccompagner son amie vers la sortie de la tour. Il ne voulait certainement pas la laisser aller et refermer le battant derrière elle comme si de rien n'était, cependant... que faire d'autre pour le moment ? Les mains du jeune homme étaient crispées aux manches de ses béquilles et la colère plombait ses sourcils ombrageux. Il s'efforça néanmoins à un sourire pour son amie. Parvenus vers la porte, Ulter souffla : « Je suis là si nécessaire. N'importe quand. » Bien maigres et maladroite paroles... mais par lesquelles il voulait réaffirmer son soutien – et espérer que les choses évoluent vite, qu'Azura et peut-être d'autres personnes fiables trouvent bientôt la meilleure solution pour mettre Roland hors d'état de nuire. Et quoi qu'il se déciderait, quelle que soit l'heure et le jour, Ulter participerait.
D'ici là, l'archiviste avait un certain nombre de dossier à achever et donc ne bougerait pas, de toute manière. Recevoir à des heures improbables lui arrivait fréquemment – en particulier l'insomniaque Elzévir. Lui-même, ce soir, ne s'endormirait certainement pas avec en tête ce qu'il savait.

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Je lui souris doucement, j’espérais un jour trouver un traitement pour ses jambes, pour qu’il puisse marcher d’une manière ou d’une autre. Je me demandais si j’y arriverais, mais l’important n’était pas de savoir si on allait y arriver, mais bien d’essayer encore et encore sans jamais se décourager. C’était ça la victoire, essayer encore et encore sans baisser les bras. Je continuais mes messages en réfléchissant à ce que je pouvais bien tenter pour l’aider, j’aurais de la lecture ce soir entre deux préparations de potion. Et deux prises de note sur tout ce qu’il y avait avec lui. Je ne savais pas si quelque part dans ce monde il y avait une autre personne avec une telle pathologie, mais j’allais devoir questionner les guérisseuses Layndos.

« Je ferais tout pour Ulter, je demanderais à d’autres guérisseuses Layndos, des idées ou quelques connaissances. Je sens que certaines de mes cousines risquent de te trouver fort intéressant et vouloir te rencontrer. »

Ulter célèbre chez les Layndos. Je le plaindrais presque, mais je savais que les guérisseuses Layndos n’avaient pour but que de sauver le plus de gens possible ou d’apaiser des souffrances. Je haussai les épaules à sa remarque et inclinai doucement la tête :

« Ici la parole d’une femme vaut autant que celle d’un homme, mais même… il faut des preuves et justifier tant de choses qu’on aurait dû faire et qu’on a pas pu. Nous sommes aussi coupables que notre bourreau pour bien des personnes. »

Ce qui était malheureusement vrai. Et même ici à Yggdrasil ou encore nous étions relativement protégées, mais dans d’autres villes. Je lui souris malgré tout. Je trouverais bien le courage pour aller parler à d’autres… Je glissais une mèche derrière mon oreille sans rien dire, le dissuadant juste d’un plan idiot. Je lui souris quand même en finissant de le soigner. Je l’aidais à se rhabiller en douceur avant de me diriger vers la sortie pour continuer ma tournée. Je serrai sa main dans la mienne :

« Merci Ulter, merci pour tout. À demain. »

Je lui souris avec tendresse avant de quitter l’endroit pour replonger dans la ville.

LUNA NERA

Ñolofinwë Kirkja

Ulter Hërling

Deux corps meurtris, ensemble seront plus forts [ft. Azura Layndos ¤ Avril 902]