☽ TOBY REGBO » ice and fire together

Le travail avait commencé aux premières lueurs du jour lorsque Lavinia avait ressentie les contractions annonçant l'arrivée de l'enfant qu'elle portait depuis huit mois. Bien que rassurée par les naissances successives de deux beaux enfants, l'ombre des fièvres qui planait sur les femmes enfantant la terrorisait toujours autant. C'était la tête haute qu'elle avait été accompagnée jusqu'à sa chambre où se déroulait, à présent, le défilé des dames autour de la noble romaine dans la chambre conjugale. A la tombée de la nuit, la délivrance entrait dans son stade final et il ne fallut qu'une demi heure avant que l'une des dames présentes n'informe le maitre des lieux de la naissance d'un nouvel enfant de la famille Litumaris. Quand Numerus Caesesnnius Laetorius pénétra dans la chambre, cette dernière avait été nettoyée et son épouse reposait dans le lit conjugal, presque virginale dans les draps blancs que l'on venait d'installer. Dans ses bras reposait le nouveau-né, encore rouge et frappé, babillant tout en agitant ses petits poings fermés en l'air.  « Un petit garçon. » annonça-t-elle avec un sourire, assurant par la même la poursuite du nom de Caesennius à travers deux beaux garçons vigoureux. Le premier, Kaeso, était déjà presque âgé de sept ans et la seconde, Aemilia venait tout juste de fêter ses six ans mais Lavinia était jeune et avait espéré cette grossesse depuis plusieurs années. « N'est-il pas adorable ? » demanda-t-elle en retrouvant la joie de tenir dans ses bras, une nouvelle vie qu'elle avait longtemps porté en son sein. Numerus s'approcha du lit, posant sa main calleuse sur le front du bébé tout en observant les mèches claires qui parsemaient son petit crâne. « Kaeso sera heureux d'apprendre qu'il a un petit frère. » assura le romain que la trentaine avait bien marqué, avant de demander à une servante de faire quérir son héritier. Lorsque l'enfant arriva, quelques minutes plus tard, les trois Caesenius se réunir autour du petit être qui fronça ses sourcils quasi inexistants avant de pousser un cri larmoyant. Il fut décidé que le petit garçon porterait le nom de Vel, incarnant par la même la volonté de pouvoir de la famille. Il ne serait pas le dernier enfant du couple mais les années promettaient d'être douces. Le calme avant la tempête.

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Le petit garçon fixait des yeux son grand-frère avec une insistance effrayante. Ses yeux étaient plissés comme pour saisir le moindre détail du visage de son aîné. Bien qu'à quelques mètres, il saisissait les différences qui existaient entre eux. Avec sept ans et une tête de plus, Kaeso arborait, de plus, une chevelure sombre, un regard et des traits qui rappelait leur père, en grande conversation avec un homme du sénat, à quelques mètres de là. Lui était plutôt chétif, se distinguant des autres enfants de sa fratrie par sa chevelure blonde, éclatante comme un champ de blé, et une paire d'yeux verts, particularité physique qu'il ne partageait qu'avec sa soeur aînée tandis que les autres Caesennius semblait avoir tous pris du brun paternel. Il se souvenait s'en être plaint, un jour, demandant pourquoi il ne ressemblait ni à Père, ni à Kaeso, ni même à Arsinia ou Curtia. Lavia l'avait regardé avec ses yeux bienveillants avant de lui expliquer qu'il ressemblait d'avantage à son côté de la famille pour qui la blondeur était une marque de pureté et de force. L'explication suffit et l'enfant n'en reparla plus, se contentant d'observer son aîné avec envie, imitant ses expression faciale, exagérant, parfois, des mimiques ou sa manière de marcher, faisait rire à la fois Arsinia et Curtia. Loin de lui l'envie de le moquer, juste celle de lui ressembler: Kaeso était l'exemple même de la force et de la gloire de l'armée romaine. Le maitre d'arme personnel des Caesenius lui donnait déjà des leçons, lui tapotant les fesses de son épée en bois, n'hésitant pas à le faire tomber par terre lorsque son placement était mauvais et laissait trop d'ouverture à l'ennemi. Dans les semaines qui suivirent, Vel arborait un nombre de bleu sur les jambes et les bras qu'il arborait avec fierté, signe de sa détermination et de sa rigueur. « Tu ne compte pas aller embêter ton frère, Vel ? » La voix le fit sursauter. Pris dans son admiration de Kaeso, faisant face au maitre d'arme de la maison, il n'avait guère prêté attention à sa mère, portant la petite Curtia, arrivant derrière lui. Le sourire amusé calma sa panique passagère et il secoua la tête négativement. « Je regarde juste comment ils font. » argumenta l'enfant dont les boucles blondes caressaient les oreilles quand elles ne venaient pas chatouiller ses yeux. La femme eut un nouveau sourire avant de caresser les cheveux du petit Vel. « Bien, ne le déconcentre pas alors ! » Il hocha la tête, retournant à son observation. De là où il se trouvait, les gestes de son aîné semblaient précis, réfléchis ... Oui, Kaeso était l'exemple même du soldat mais lui ne pouvait prétendre à pareille destinée.

Fragile, prématurément venue au monde, Vel s'avérait un enfant maladif, souvent alité avec de la fièvre, accaparant l'attention d'une mère qui craignait de perdre son garçon. Il n'était donc pas question de lui donner une épée, pas question de le laisser courir dans les jardins ou fréquenter les autres enfants qui risquaient de le contaminer. Vel demeurait majoritairement enfermé dans la demeure des Caesenius, avec pour seule compagnie, ses soeurs cadettes et les livres de la bibliothèque.

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La fièvre l'avait encore prit quelques jours plus tôt. La veille, ils se rendaient dans une magnifique fête donné par un sénateur allié, le lendemain, Vel s'effondrait avant le repas du soir. Il était resté inconscient quelques heures, paralysé par la fièvre sous les yeux d'une Lavinia paniquée, demeurant au chevet de son fils en priant les dieux de ne pas le lui enlever. Il n'avait que 20 ans et la vie devant lui et la romaine de voulait pas le voir quitter ce monde si jeune. Vel n'avait rien de Kaeso, plus fort, plus combattif. A 27 ans, l'aîné s'illustrait à la guerre en espérant obtenir les faveurs paternelles, mais contre toute attente c'était Vel qui avait l'attention du couple: Vel et sa fragilité, Vel et son intelligence. Le dialogue était rompu depuis longtemps entre les deux frères: Kaeso ne supportait plus de se voir préféré le second fils quand lui avait toujours tout fait pour être la fierté de leur nom. Lavinia avait eut beau lui dire qu'il était injuste, qu'ils l'aimaient autant que son cadet, Kaeso n'avait rien voulu entendre. Repartant en campagne, il avait espéré s'auréoler de gloire pour laisser, à jamais, Vel dans son ombre.

Contre tout attente, Vel n'était pas aussi faible et innocent que ses boucles blondes et son visage angélique le laissait croire. Le départ de Kaeso arrangeait bien ses affaires et ses menaces n'avait provoqué en Vel qu'indifférence et dédains. Cette place de second était le principal handicap de Vel qui avait des ambitions politiques bien plus fortes que celles de son frère: et s'il était réellement malade et fragile, il n'avait pu qu'user de ce temps enfermé pour lire et apprendre des plus grand noms que Rome ait connu. Stratégie, politique, philosophie, littérature, Vel compensait ses faiblesses physiques par une assiduité rare à l'apprentissage si bien que quelques semaines avant le départ de Kaeso, il avait annoncé au reste de la famille vouloir faire de Vel, son successeur au Sénat, laissant à son aîné, la charge qu'il occupait dans l'armée. Cela ne plut guère à Kaeso: âgé de 27 ans, le jeune homme entamait une brillante carrière militaire et avait accepté, un mariage avec une lointaine cousine qui n'avait rien d'excitant pour les besoins de la famille. Le sentiment d'injustice que ressentait Kaeso allait de paire avec la popularité grandissante de son petit frère dans la société: admiré des benjamins de la fratrie et bien aimé de la plupart des jeunes romains, Vel ressemblait à un soleil en plein hiver: lumineux, magnifique, et pourtant si lointain, perdant sa chaleur au moindre coup de vent.   

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Kaeso ne fut pas le seul à ne pas apprécier le choix paternel. Mais si Kaeso était tout en muscle et en force brute, Vel savait qu'il avait beaucoup plus à redouter d'elle. Aemilia était une magnifique femme de six ans son aînée. Tout deux partageaient l'exclusivité de cette chevelure blonde provenant de leur mère mais également l'ambition paternelle de se hisser au plus haut niveau de l'état. Mais si la faiblesse de Vel était sa santé fragile, celle d'Aemilia était son sexe. Les choses étaient plus difficiles pour elle, relayer au rang de simple femme, destinée à épouser celui que son père choisirait pour elle ... Mais Aemilia était rusé, incroyablement brillante. Tout comme son petit frère, elle jouissait d'un physique avantageux et ne comptait pas se laisser éclipser par lui.

Bien loin des affrontements des aînés grandissaient les deux cadettes. Arsinia était une jolie jouvencelle aux cheveux châtains: elle respirait la douceur, la joie de vivre et l'innocence. Et cela était vrai: ce que Vel et Aemilia avait de ruse et de désir de pouvoir, Arsinia l'était de douceur et de simplicité. C'était un être sincèrement bon qui avait, avec Vel, une relation étrangement fusionnelle. La petite dernière, Curtia, était destinée à devenir une prêtresse: timide et docile, elle passait son temps en prière et il avait été décidé d'honorer les dieux en donnant à leur service, l'âme la plus pure de toute la famille.  

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Il avait le sentiment qu'on lui forçait la main, mais Lavinia avait été ferme sur ce sujet: à son âge, il se devait de fonder sa propre famille, et rapidement ! Pourtant, Vel était bien loin de toute ces préoccupations: il n'avait nullement envie de s'embarrasser d'une femme et encore moins d'enfant tant il avait à accomplir à Rome. S'il voulait grandir dans l'ombre de l'empereur, il se devait de faire de plus ample effort dans le monde politique. Numerus, lui, demeurait silencieux sur l'affaire qui opposait son épouse et son fils: s'il approuvait Lavinia, il comprenait le besoin de liberté de son second garçon, et savait combien il s'investissait dans ses ambitions. Ce fut alors un défilé de prétendante. On amena devant lui la belle Cassia Quirinalis, fille d'un riche marchand romain, initialement destinée à devenir une prêtresse du temple de Rome mais qui avait renoncé à la voie religieuse pour suivre celle des femmes. Vel la refusa: il savait que son soudain manque de dévotion venait des relations charnelles qu'elle avait pu avoir avec quelques garçons travaillant pour son père. Alors vint Lucia Caelistis, une jolie blonde à l'air ingénue qui le charma par ses grand yeux bleus mais qui cassa toute la magie de leur rencontre en ouvrant la bouche. Bien que belle, Lucia était profondément idiote et répétait mot pour mot ce que sa mère lui avait ordonné de dire. Vel ne voulut pas en entendre davantage. Cela continua ainsi pendant des mois. Lavinia désespérait et lorsqu'elle lui présenta Livia Dorabella, il sut qu'elle avait touché le fond: ce n'était pas la détermination et l'intelligence qui faisait défaut à la jeune femme mais un caractère particulièrement difficile qui provoqua une dispute entre les deux jeunes gens et se solda par le départ soudain de Livia, hurlant qu'elle ne voulait plus jamais revoir un tel homme.

Finalement, Numerus dut agir. Il décréta que Vel épouserait Caecia Isatis, une jolie brunette venue d'un riche vignoble du nord de Rome. Elevée loin de la ville, Caecia ne risquait pas de s'y être confondue. On la disait également jolie fille bien qu'un peu simple dans ses mises en beauté et loin d'être idiote. Vel n'eut pas son mot à dire et la famille quitta Rome pour le domaine de la prétendante. La rencontre fut charmante bien que le jeune homme y passa le plus clair de son temps à bouder. Il finit par quitter les négociations pour s'isoler à l'extérieur avec un livre quand Caecia vint le trouver. Les rumeurs étaient vraies: elle aurait pu être une très jolie femme si elle avait été élevée dans les subtilités de la mode romaine et sa conversation fut étonnamment agréable. Pas suffisamment pour qu'il soit convaincu qu'il devait l'épouser cependant. Il en débattait avec ses parents lorsqu'il entendit les chevaux de la calèche hennir. Il tenta de se retourner mais il fut prit dans un mouvement de la voiture et se cogna violemment la tête. A cet instant, Vel l'ignorait, mais un groupe de bandit avait tenté de les attaquer. En voulant les éviter, le cocher avait fait un mauvais mouvement qui avait fait tomber la calèche dans un ravin ...

Lorsqu'il se réveilla, Vel ne reconnu rien.
Il n'était pas à Rome, il ne voyait pas ses parents.
Il était seul.