☽ ALEX HØGH ANDERSEN » À l'ombre de l'Aigle, s'armer de savoir

Ulter est né en 880, troisième fils de la maison Hërling – une des familles influentes d'Yggradsil. Le Destin voulut qu'il soit estropié : ses jambes sont inertes. Depuis toujours, on le voit se déplacer sur des béquilles lorsqu'il est en forme... et le reste du temps avancer à même le sol en rampant, à la force des bras. Au moins a-t-il eu la chance de naître dans une maison aisée, où son infirmité n'a pas été vue tel un poids. Des familles bien plus dans le besoin que la sienne l'auraient sans doute abandonné, dans son état... Au lieu de cela et grâce aux moyens de sa lignée, Ulter put apprendre à lire, écrire, calculer, enseigner, puis poursuivre des études de haut niveau dans un certain nombre de domaines grâce aux livres parfois rares et coûteux qu'il se procurait.
Son handicap toutefois lui a valu une mise à l'écart : il ne pouvait pas participer aux activités guerrières ni aux entraînements qui occupent une grande place dans la culture d'Yggradsil. Aussi s'est-il jeté à cœur perdu dans l'érudition, avec pour projet de prendre la tête des archives du village.
Tout estropié qu'il est, Ulter a cependant développé des épaules et des bras imposants, à la force certaine, du fait de la grande sollicitation du haut de son corps. Il n'a pas négligé l'activité physique au prétexte de son handicap. Un homme d'Yggradsil soigne son physique et s'entraîne ! Pour lui, l'objectif fut de savoir au moins se défendre, être capable de maîtriser un individu une fois mis à terre, ainsi qu'un arme : la hachette, au maniement et au lancer de laquelle il est habile.

Entre autres domaines – histoire, géographie, comptabilité, philosophie, un brin de sciences... – Ulter connaît les runes d'Yggradsil, mais il a aussi mis un point d'honneur à se faire procurer un certain nombre de livres en grec... et surtout en latin : il est important de maîtriser la culture de l'Empire, adversaire d'Yggradsil même si les tensions ne sont pas dites. Ulter s'est intéressé aux tragédies de l'an 802 : les purges de l'Empire contre les sorcières et l'exécution de Tatiana. En grand curieux qu'il est, il a tenté de découvrir l'histoire de cette illustre sorcière, mais celle-ci demeure un mystère. L'on a seulement découvert qu'elle venait d'Yggradsil. Ulter apprit avec regret qu'avant les purges, Yggradsil était prospère et les sorcières n'avaient pas besoin de trop se cacher. On les vénérait presque autant que les dieux d'Yggradsil – panthéon toléré par Rome.

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Adolescent puis jeune adulte, Ulter reste quelque peu égaré dans son monde... Il arrive néanmoins à se faire une place et des amis dans le village, gagnant le respect en tant qu'archiviste d'Yggradsil. Brillant, érudit, il pèse dans les décisions de la communauté. C'est ainsi qu'Ulter est amené à coopérer avec Ulrik Sören, le chef respecté. Tous deux sont stratèges et s'entendent très bien, mais un sujet fait objet de légères frictions et de taquineries entre eux : Ulter estime que les "affaires de femmes" d'Ulrik sont parfois un peu trop présentes – le village ayant déjà beaucoup d'autres péripéties à gérer pour ne pas trop en rajouter. En retour, Ulrik ne manque pas de charrier le garçon perché, réservé et parfois râpeux qu'est Ulter... beaucoup plus habitué à la présence de ses parchemins qu'à celle des femmes !

Le fils Hërling gère les ressources du village, établit les rapports de tous les événements concernant la communauté, assure la comptabilité pour veiller au bon approvisionnement. Il tient aussi les registres de naissances, mariages, d'arrivées, départs, d'impôts à Rome. Ulter passe son temps dans les colonnes de chiffres, les parchemins, mais aussi dans les codex relatant l'histoire d'Yggradsil – ainsi que celle de la région : connaître l'environnement pour assurer la cohabitation tendue avec l'Empire. Ulter juge nécessaire de se documenter sur ce qui se passe à Rome, pour être prêts à anticiper au mieux.
A raison d'une heure par jour, le fils Hërling reçoit dans la tour où il travaille les enfants du village : il leur fait office de professeur. Avec lui, ils apprennent les runes, l'écriture et le calcul, ainsi que les bases de l'histoire et de la spiritualité locales.

Ulter suit de près l'évolution des conditions géopolitique autour de Rome. Ainsi sait-il que les terres sont asséchées autour de la Cité Éternelle, que la ville manque de ressources et a massivement recours à l'importation depuis ses provinces, que la misère retombe sur la plèbe à cause de la cupidité de beaucoup trop de patriciens. La colère des plébéiens se tourne contre l'empereur autoritaire, narcissique, qui pour la canaliser relance la traque aux sorciers. On soupçonne une malédiction et l'existence d'autres sorcières – peut-être les descendantes invoquées par Tatiana sur son bûcher et résidant à Yggradsil. La méfiance grandit de la part de l'Empire, qui s'engage en guerre froide contre la ville : Rome engage des espionnages et quelques arrestations. Yggradsil est prudente, sous les conseils d'Ulrik et Ulter.

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Ce mois d'avril 902, une femme accusée de sorcellerie, poursuivie par des légionnaires, débarque terrifiée à Yggradsil. Ulter la cache dans le bâtiment des archives : il est persuadé, à la vue des soldats, qu'ils ne sont que des brutes en quête d'un coup d'éclat à rapporter à leur chef. De cette espèce de rustauds prompts à voir un peu trop facilement de la sorcière partout... La pourchassée n'est pas trouvée par les légionnaires lors de la fouille ; elle reprend sa route. Mais Ulter apprendra que les soldats ont fini par lui mettre la main dessus plus loin. Torturée, la malheureuse a avoué qui l'a cachée...
Un commandant romain a maintenant le prétexte idéal pour envoyer chercher un otage à Yggradsil. Un matin, quatre Romains parviennent à s'introduire à Yggradsil et capturent Ulter – proie idéale : estropié, sans pouvoirs magiques... mais un esprit de poids dans le village. Cette capture est justifiée comme punitive : Ulter a désobéi à Rome en cachant une pourchassée et en faisant tourner en bourrique les légionnaires à sa poursuite.

Dans les jours suivants, une flèche est tirée aux murs d'Yggradsil, porteuse d'un message : « Rome détient l'un des vôtres. Si des sorcières vivent en vos murs, nous exigeons la levée de la malédiction qui pèse sur Rome, en échange de quoi l'Empire promet de relâcher l'otage et d'interrompre les procédures contre Yggradsil. Mais si votre cité cause à Rome le moindre nouvel ennui, le prisonnier sera réduit en esclavage, puis crucifié en cas de récidive, et nos soldats viendront prendre autant de nouveaux captifs que nécessaire. »

Ulter, de son côté, se découvre détenu et étroitement surveillé dans la domus d'une des personnalités puissantes de Rome : le Consul Tiberius Genitius Sapiens. Au moins a-t-il le soulagement de n'être ni maltraité, ni enchaîné au fond d'un cachot... Ses conditions de détention sont bonnes. Le Consul chargé de le garder a même de bonnes relations et des conversations intéressantes avec lui. Tiberius reste cependant tout dévoué à l'empereur et il n'hésiterait pas à exécuter Ulter si cela venait à lui être demandé - malgré l'estime mutuelle qui finit par s'installer entre les deux hommes.
Ulter comprend qu'il sert de moyen de pression... mais peut-être aussi que Rome espère lui faire peu à peu embrasser sa philosophie et le mettre du côté de l'Empire, pour qu'ensuite il aille influencer la communauté d'Yggradsil. Ulter s'y refuse. De tout son cœur, il reste fidèle à son village et à ses traditions. Il se dit en revanche qu'être retenu chez les adversaires va lui permettre d'en apprendre sur eux bien davantage qu'ils ne l’imaginent. Cependant Yggradsil, sa famille, ses amis et ses livres lui manquent terriblement. L'infirme est en outre effrayé par l'épée de Damoclès qui pointe au-dessus de sa tête.