☽ Daniel Sharman » Subtiliser c'est tout un art

   Si vous êtes une magnifique femme, jeune ou non, je vous raconterai sans doute que je suis un jeune explorateur du vaste monde ayant voyagé dans toutes les contrées connues. Si vous êtes un enfant, je vous raconterai probablement que je suis un hors-la-loi recherché dans un lointain pays parce que j'ai embrassé une belle princesse. Si vous êtes un noble, je vous raconterai sûrement que je suis le fils d'un riche marchand. Si vous êtes un soldat ou un guerrier, je vous raconterai peut-être que je suis une fine lame. Et si vous êtes un membre de telle ou telle milice, je prendrais mes jambes à mon cou parce que vous n'êtes pas très malin ni doué et encore moins assez rapide pour me rattraper.

Qui suis-je réellement ? Moi-même je ne sais pas. Mes souvenirs d'enfance sont extrêmement flous, si ce n'est totalement invisible pour moi. Tout ce que je sais, c'est parce qu'on me l'a raconté. Un matin, je me suis réveillé sur une charrette tirée par un âne aussi vieux que le vieillard qui tenait les rênes. Uther et son âne Bando. Ces deux là m'ont sauvé la vie d'après les dires du vieil homme. Mon village natale avait été décimé et incendié par on se sait quelle force militaire. Uther m'avait trouvé évanoui sur le bord de la route et m'avait hissé sur sa charrette. Selon lui, la fumée provenant de mon village en flamme avait causé des dégâts irréversible à mon cerveau et ma mémoire. Uther était un guérisseur itinérant allant de village en village et de ville en ville, partout où ses services auraient pu être quémandés. Cela n'a jamais été officiel mais le vieux m'a comme qui dirait adopter.

A partir de ce jour, j'ai arpenté les routes avec Uther et Bando. On pourrait croire que le vieux guérisseur m'aurait transmis son art mais il gardait jalousement tout son savoir. Tout ce que j'ai appris, c'est en le regardant procéder mais je ne sais faire que les gestes de premiers soins rien de plus. Nous ne roulions pas sur l'or, ne dormions que très peu à l'abri des intempéries et la plupart des gens nous prenaient pour des charlatant. Alors, lorsqu'Uther prodiguait des soins chez un noble ou un riche,j'en profitais pour les alléger de quelques biens. Tous des radins, alors il était normal que je les délestes de leur argent pour que nous ayons de quoi manger.
   

  Aux alentours de mes seize ans, par une nuit noire. Je ne trouvais pas le sommeil, rien n'y faisait, alors comme à mon habitude dans ces cas-là, je suis aller marcher un peu. Nous avions établi le camp dans une vieille ruine à la lisière de Rome. L'obscurité était telle que je ne pouvais que deviner le contour des choses choses qui m'entouraient. Au fur et à mesure de ma ma marche, j'y voyais de mieux en mieux. Au début, c'était simplement le fait que j'avais fini par m'habituer aux ténèbres qui m'enveloppaient. Cependant, je me suis mis à voir comme en plein jour, plus aucune trace de la nuit, chaque pierre, chaque morceau de bois, chaque ronce, tout était parfaitement visible. J'ai erré ainsi toute la nuit à m’émerveiller de ce curieux phénomène. Le lendemain, j'en parlais à Uther qui comprit rapidement que je devais avoir quelques gouttes de sang magique en moi, sinon comment expliquer ce que j'avais vécu ?

Le vieil homme se mit alors à guetter le moindre signe de magie chez moi. Or, pour une raison quelconque, je n'en développa aucun autre. Cependant, le guérisseur me raconta de sombres histoires à propos d'une purge aux sorcières s'étant déroulé il y a un peu plus d'un siècle. Il me mit en garde que si un jour, d'autres pouvoirs se manifesteraient, je devrais faire attention aux radicaux et aux extrémistes qui haïssaient toutes formes de sorcelleries. Peut-être avait-il senti que le vent tourner pour lui, et il souhaitait que je fasse attention à l'avenir ? Quoiqu'il en soit, Uther quitta notre monde l'année de mes dix-sept ans. J'en fus profondément dévasté, il avait été un père admirable et m'avait élevé comme son propre fils. Sa mort, déclencha une sorte phénomène en moi, j'étais tout le temps envahi par le froid comme si mon cœur se mettait à geler lorsque je le pleurais. Et vint ce qui devait arriver. Alors que j’arpentais les rues d'un village avec Bando, un homme se jeta en travers de notre chemin, armé d'une épée à moitié rouillée. Sa bouche proféra une impressionnante quantité de juron qu'il destina à Uther et à moi. Le braillard avait perdu sa femme quelques mois plus tôt et ce, après le passage du vieux guérisseur qui avait tout tenter pour la sauver de la mort. Les yeux fous de rage, de colère et tristesse, je ne sais pas ce qu'il m'avait prit mais j'avais saisi à main nue l'épée de l'homme. Mon regard plonger dans le sien, je déversais toute la souffrance qui était mienne. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, mes doigts devinrent aussi froid qu'un iceberg et ce froid se répandit sur la lame émoussée. Dans un cri de rage, je brisai l'épée en deux morceaux. La froid avait eu raison de sa solidité déjà fortement réduite par le temps.

 

 Quelques temps plus tard, ce fut au tour de Bando de me quitter. Le vieil âne rendu son dernier souffle dans une grange d'un village dont je ne connaissais pas le nom. Je ne pus me résoudre à vendre sa dépouille à un boucher alors, en guise de sépulture, je me suis appliqué à recouvrir l'entièreté de son corps de glace. Cela me demande énormément d'efforts et lorsque j’eus fini, j'étais totalement épuisé et à bout de forces. Je ne savais ni où aller ni quoi faire. J'ai erré sans but pendant plusieurs jours, mes pas me menant où bon leur semblaient. Au final, ils m'avaient emmenés là où j'avais découvert mon premier pouvoir. Les ruines proches de Rome. D'instinct, je su que je devais y élire domicile et m'y installer pour y vivre. Rome étant à proximité, j'avais donc le champ libre pour me "servir" et survivre.

Depuis, j'ai aménagé les ruines en une sorte de repère avec le strict minimum, les rendant plus habitables. Lorsque je n'y suis pas, je passe la plupart de mon temps dans la grande cité qu'est Rome, capital de l'Empire Romain. Qu'est-ce que j'y fais ? Je travaille. Oh non, je n'ai pas pris le relais d'Uther, paix à son âme. Non, je fais ce que je sais faire de mieux: voler. Voler pour vivre. Je connais chaque recoin de Rome comme ma poche et ne pille jamais deux fois au même endroit sans un certain délai. Évoluant de toit en toit, je sème facilement et habilement la milice lorsque je ne suis pas assez prudent et mon numéro de cascadeur plait relativement aux dames en quête de sensations fortes. Quelques gamins de la ville me surnomme même le Roi des Voleurs. Je ne prétends pas l'être mais ce titre me sied à merveilles, je trouve.