Avez-vous vu mon chaton ? [Septembre 895]

Avez-vous vu mon chaton ?

- Azura et Skot

Je suis revenu de Rome le cœur plein d'espoirs. J'ai retrouvé mon ami Ulter qui, malgré sa captivité, m'a semblé aller plutôt bien. J'ai appris par son biais que la mort d'Opsia n'était que fabulation. Selon lui, elle n'était pas morte mais en fuite. Après avoir promis à Ulter de trouver un moyen de le sortir de là, j'avais décidé de commencer à chercher ma bien-aimée dans ma ville natale. Ville la plus proche et la plus susceptible de cacher une sorcière.

Le bruit des sabots de mon cheval claquent sur le chemin. Je suis désolé de le pousser ainsi, mais je n'ai pas de temps à perdre. C'est jour de marché. C'est la parfaite occasion pour poser des questions. En plus, tout le monde me connaît ici, aucun doute que l'on me répondra.

Je confis mon cheval à un palefrenier moyennant quelques pièces pour qu'il s'en occupe bien, puis après lui avoir affectueusement flatté l'encolure, je me dirige vers la foule. Trop empressé que je suis, je ne fais pas attention à la personne qui avance dans ma direction. Une personne que je bouscule allègrement, provoquant la chute de son panier emplit de fleurs et plantes diverses. Un contenu qui m'est tellement familier.

« Excusez-moi ! »

Je m'empresse de ramasser tout le contenu pour le remettre dedans. Je lève enfin le visage vers la jeune femme que je reconnais aussitôt. Un sourire s'étale dans ma barbe.

« Azura ! »

Je ne pouvais pas mieux tomber. La jolie brune est une bonne cliente et devenue aussi une bonne amie, à la longue. Une fois relevés, je lui demande.

« Encore désolé de t'être rentré dedans comme ça... Comment tu vas ? »

J'ai évidemment déjà envie de la bombarder de questions. De lui parler d'Ulter aussi. Mais je me fais violence pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits.

Depuis quelque temps je devais m’occuper, en plus de ma boutique d’un chaton égaré de Rome. Opsia. Mais elle était tellement choute, fragile… Que je l’appelais uniquement… Chaton. Comme ma mère. Pour l’instant, elle restait chez ma mère et je venais la voir tous les jours pour m’assurer qu’elle aille bien et commencer à un peu à lui apprendre quelques bases dans l’art de la guérison. On lui apprenait pour l’instant les plantes basiques, ce qu’on appelait les simples, et moi je profitais d’un peu de calme pour aller au marché, il y avait toujours des choses intéressantes, plantes, aliments… J’aimerais faire un bon repas pour ce soir… Je ne savais pas encore quoi, d’abord les plantes.

Je fis plusieurs fois le tour du marché en discutant, troquant parfois quelques-un de mes propres potions contre des herbes ou autres. Parfois mêmes quelques conseils, les conseils d’une Layndos valaient très cher ! Il faisait encore assez beau et chaud si bien que j’avais les avant-bras nus et surtout nus aussi de bleus. Ça aussi c’était agréable, après tout j’avais aussi des crèmes pour les faire disparaître plus vite. Enfin, ce n’était pas le sujet du jour. Je m’assurais que mon panier sont bien remplis de plantes et je commençais à regarder la nourriture.

Je sentis quelqu’un me bousculer avec violence et mon panier m’échappa des mains, éparpillant son contenu par terre. Heureusement que ce n’était pas moi qui étais par terre ! L’homme se pencha aussitôt pour tout ramasser et je reconnus la chevelure blonde typique et coiffée avec autant de soin. Kjotvi ! Je lui fis un large sourire quand il se redressa.

« Bonjour Kjotvi ! Cela faisait longtemps que je ne t’avais pas vu ! »

Je lui repris mon panier pour ne pas l’encombrer avant de l’inviter à me suivre dans le marché. Je l’observai avec attention, il avait une lueur triste dans les yeux… Je fronçai les sourcils en rajustant mon panier sur ma hanche.

« Je vais bien, et toi ? Tu as l’air mélancolique mon ami ? Que se passe-t-il ? As-tu eu des ennuis ? »

Il me faisait un peu penser à Aerion dans ses aventures et sa manière de vivre…

« Où es-tu allé cette fois-ci ? »

Avez-vous vu mon chaton ?

- Azura et Skot

Je reconnais que voir le sourire de ma belle amie me fait du bien au cœur. J'ai eu vraiment peur de lui avoir fait trop mal en la bousculant comme une brute. Mais ce n'est pas parce qu'elle a l'air d'une brindille qu'elle est fragile Azura, non, c'est un roseau.

« Comme tu dis, j'ai l'impression que ça fait une éternité. »

En réalité, je n'aime pas m'absenter aussi longtemps. Yggradsil me manque rapidement, même Rome me manque, parce qu'Opsia s'y trouve. Enfin, s'y trouvait. J'emboîte rapidement le pas à Azura qui me guide au sein du marché. Je sens son regard m'observer tandis que mes yeux regardent cette fois où je marche, pour ne plus percuter qui que ce soit. Je tourne néanmoins la tête vers elle lorsqu'elle me fait remarquer que j'ai une tête de chien battu.

Je rougis et détourne le regard. A vrai dire, comment amener Opsia ? Je tiens fort à elle pour sûr, mais le dire à haute voix est une toute autre affaire. Surtout que je n'ai jamais vraiment parlé d'Opsia à qui que ce soit, comme un secret cher à mon cœur. Comme si en parler risquait de la faire disparaître. Azura enchaîne, me demande où je suis allé. J'hésite, est-ce que je dois vraiment répondre aux deux questions ? Je retrouve des couleurs normales, mais je bénis ma barbe dans ces moments-là.

« Je suis heureux de savoir que tu vas bien. J'étais à Rome juste avant et puis encore avant mon père et moi avons longé les ports de la côte méditerranéenne, Patras, Attalia, Antioche, Jérusalem....et encore bien d'autres... »

Je secoue ma tête de droite à gauche, comme pour chasser les détails inutiles de mon discours. J'ai plus important à lui annoncer.

« Mais je m'égare, ce n'est pas important, on fait toujours plus ou moins le même parcours chaque année pour récupérer les produits à vendre. Non, je reviens de Rome et j'ai appris que Ulter était retenu par le Consul ! Et je cherche...je cherche...une jeune femme. »

Ah j'ai eu du mal à le dire. Je me tais et regarde mon amie, habité par un drôle de sentiment. J'ai l'impression d'avoir lâché une bombe. Entre Ulter qui est retenu et que je ne sais pas encore comment libérer, et ma belle qui a disparu... Je soupire un peu, comptant égoïstement sur le bon mot d'Azura qui saura me rassurer.

Je hochais la tête, oui cela faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas vu, et surtout qu’il ne m’avait pas fournis des plantes depuis longtemps. Mais c’était autre chose, il n’avait pas l’air d’avoir des plantes en ce moment. C’était pas très grave après tout, j’avais ce qu’il fallait et s’il y avait quelque chose d’intéressant il me l’aurait dit ! Enfin, je supposais. Je préférais continuer mon marché en discuter avec lui, j’avais envie, après tout cela faisait très longtemps que nous nous étions pas vu ! Pire qu’avec Ulter… Je secouais légèrement la tête : ne pas penser à Ulter, cela me rendait toujours très triste. Je souris légèrement à Skot :

« Tu voyages trop. »

Fis-je taquine avant de prendre le temps de l’écouter parler de ses voyages, il s’entendrait bien avec mon père qui lui aussi avait beaucoup voyagé, comme mes frères d’ailleurs. Tous les hommes de ma famille voyageaient comme des fous. Beaucoup de Layndos vivant dans d’autres villes et d’autres endroits sur terre… Certaines même étaient nomades ! De quoi compliquer davantage la tâches aux hommes qui faisaient les transmissions. Ce n’était pas pour rien qu’ils étaient souvent, en plus, des messagers parce qu’ils connaissaient très bien les routes et savaient se battre.

« Tu devrais passer à la maison discuter avec mon père de vos voyages avec le tien. Je suis sûre qu’il adorerait ! Tu le connais, il aime pas rester à la maison, il a la bougeotte. »

Mon père était aussi intenable dans ses voyages que moi dans mes soins. Je m’approchais d’un étal pour acheter, et troquer surtout, quelques légumes contre mes herbes avant de revenir vers mon ami lorsqu’il reparla de Rome. Mon cœur fit un saut lorsqu’il évoqua Ulter et j’inspirais profondément. La nouvelle n’était pas très fraiche puisque je le savais, mais avoir des nouvelles de mon meilleur ami… me faisait toujours plaisir.

« Le consul Tiberius, je sais… Je me suis rendue aux jeux de Rome, j’ai pus le voir un peu. Comment va-t-il ? Tu as pus lui parler ? Ou juste le voir de loin ? Et toi ? Chercher une jeune femme ? À qui as-tu volé le cœur cette fois mon cher voyageur ? Je ne te savais pas si romantique. Dis-moi qui elle est, peut-être est-elle passée à la boutique ! »

J’en voyais passer du monde et j’avais tendance à tout noter. Une mine d’information mes carnets. Quand on arrivait à déchiffrer mes pattes de mouches.

Avez-vous vu mon chaton ?

- Azura et Skot

Je souris lorsqu'elle me rétorque que je voyage trop. Je ne pourrais pas m'en passer pourtant. Si on me demandais de rester plus de six mois à un même endroit, je crois que je deviendrais fou. Je suis un homme de la mer, depuis la naissance, c'est ainsi.

« Ah tu sais bien que je n'arrive pas à rester en place ! »

Elle semble songer à quelque chose avant de poursuivre au sujet de son père. Lycanos est un sacré personnage et j'avoue que songer à mes quelques rencontres avec lui me ramène un sentiment de nostalgie très agréable. Yggradsil est la ville où je retournerais constamment, et quand la mer ne voudra plus de moi, je m'y installerais.

« Je n'y manquerais pas quand j'aurais du temps. »

Mon ton est affectueux. Puis je reprends sur des sujets plus difficiles à aborder. Ulter, Opsia...Je vois rapidement l'expression d'Azura se modifier alors que j'évoque son meilleur ami. Je connais leur impressionnant lien d'amitié. J'ai d'abord cru qu'ils étaient amants, et puis à force, j'ai bien vu que c'était autre chose. Je m'en veux de la rendre triste. Mon expression se fait surprise lorsqu'elle m'annonce qu'elle sait déjà où il se trouve.

« J'ai un cran de retard décidément. J'ai pu parler avec lui brièvement en m'introduisant pour vendre de la marchandise au couple consulaire. Il a l'air d'aller bien. Il prend son mal en patience....Je vais faire mon possible pour essayer de le sortir de là ! »

Je ne sais pas encore comment je vais bien pouvoir m'y prendre...mais je trouverais quelque chose. Je ne peux pas laisser mon ami rester là-bas, même s'il est bien nourri, il n'en est pas moins un otage. Mes mots n'ont pas atteint les oreilles d'une sourde, Azura me ramène à la réalité en insistant sur mon côté bourreau des cœurs. Je rougis jusqu'aux oreilles cette fois.

« Une jolie brune avec de grands yeux bleus. Elle s'appelle Opsia. »

Voilà, j'ai tout dit. Je sens mon cœur tambouriner sous la gêne, l'inquiétude et l'espoir mêlés. Je fixe Azura qui tient désormais ma destinée dans le creux de sa main. Elle va peut-être enfin m'enlever ce poids qui me pèse si fort. La peur qu'elle soit réellement morte, et cela, malgré le discours encourageant de mon ami Ulter.

Je souris doucement à mon ami, lui donnant une petite tape sur l’épaule :

« C’est bien grâce à cela que tu me trouves des plantes fort rares. Il faudra que tu me montres ce que tu as cette fois. Si tu en as gardé pour moi bien sûr. »

Je souris à nouveau en inclinant la tête sur le côté en l’écoutant, gardant mon panier contre moi. J’aimais bien apprendre de ses voyages, il me faisait penser à mes frères et mon père. Même si mes frères étaient gardes également à Yggdrasil en plus de leur travail de messager. Un cri d’aigle me fit lever la tête, je pensais à Falcon, mon frère chéri, lui qui adorait les aigles, dès que j’en entendais un, je pensais à lui. Même s’il allait bien ! Je cachai un rire derrière ma main en secouant doucement la tête :

« Je suis allée à Rome pendant les jeux, oui je sais c’était dangereux, inconscient… Ne me refais pas le chapitre de mes frères, par pitié ! J’en ai soupé ! Et j’ai pu voir Ulter, et même lui parler un peu grâce à une alliée que nous avons à l’intérieur. Elle m’a fait passer pour son esclave et m’a permis de passer du temps avec Ulter, aussi simple que ça. Donc on a pu un peu discuter… Discrètement, j’ai même pu lui faire un câlin et du coup j’ai eu des informations. Mais surtout le voir et parler avec lui. »

Et c’était important pour moi. Ulter et moi… nous étions très proches, très fusionnels, n’en déplaise à Roland. J’avais besoin de lui dans ma vie, c’était mon meilleur ami, je n’y pouvais rien. Je lui fis un clin d’œil.

« Si tu as besoin d’aide pour le faire sortir, quelques potions… ou… poisons… »

Le pire en étant guérisseuse ? C’était que je connaissais autant de poisons pouvant tuer que de potions pouvant sauver une vie. C’était étrange, mais c’était comme ça. Je préférais changer de sujet pour parler de la femme qui avait volé son cœur. Je me figeai en l’écoutant. Je lui pris la main, tant pis pour les rumeurs, avant de l’entraîner à l’écart.

« Opsia ?! Opsia de Rome ? Il y a quelque temps… je suis allée de nuit sur les bords du Tibre, oui c’est dangereux… je sais… j’avais besoin d’une plante qui ne pousse qu’à cette période et à récolter de nuit. Bref. J’ai vu quelque chose flotter dans le Tibre et j’ai plongé. J’ai sorti un corps, et j’ai sauvé une jeune femme, brune, aux yeux bleus. Elle s’est réveillée le lendemain matin et elle m’a dit qu’elle s’appelait Opsia et qu’elle n’avait plus de raison de vivre à Rome. On l’a soigné avec ma mère et elle vit maintenant chez elle où elle apprend quelques bases pour soigner. Mais on ne l’appelle pas Opsia ici, on l’appelle Chaton… Parce que… c’est un chaton ? »

Je lui souris avec un petit rire, avant de reprendre :

« Mais elle va bien, vraiment, elle semble heureuse maintenant et aimer ce qu’on lui apprend. »

Je lui souris à nouveau pour le rassurer avant de lui tapoter l’épaule et de sortir une tige de fleur. Plante d’amour, pour lui glisser à sa tunique.

» I'm yours [Ulter ¤ Septembre 902]
» Tiens bon l'ami [Ulter & Skot - Septembre 902]

LUNA NERA

Ñolofinwë Kirkja

Ulter Hërling

Avez-vous vu mon chaton ? [Septembre 895]