Tiens bon l'ami [Ulter & Skot - Septembre 902]

Tiens bon l'ami

- Ulter et Skot

« Qu'est-ce qu'il y a mon grand ? »

Je regarde mon père avec les yeux de celui qui a un service chose à demander. Il n'est pas dupe évidemment.

« Est-ce que tu peux tenir la boutique tout seul cet après-midi ? J'ai entendu dire qu'Opsia était ici...j'aimerais bien la retrouver. »

Il hoche la tête. Il sait que tous les ans nous nous retrouvons et notre dernier passage à Lugdunum a été marqué d'une absence qui m'a fait plus de mal que je ne l'aurais cru. Mon père a essayé de me dissuader de poursuivre cette relation. Nous sommes de mondes trop différents. Je ne peux hélas pas monter à son niveau et elle risquerait gros à descendre au mien. Et pourtant, je n'ai aucune envie de renoncer à elle. Il a bien compris que tous ses discours remplis de bon sens n'y changeraient rien, alors... il me soutient comme il peut.

« Reviens pour m'aider à ranger alors. Et ne déclenche pas de bagarre inutile. »

« Ne t'inquiètes pas pour moi Papa. »

« Oh c'est pas pour toi que je m'inquiète fiston. C'est plus pour le pauvre malheureux en face ! »

Il me donne une tape affectueuse sur la joue en riant et me tourne le dos pour s'occuper d'un client. Je recule un peu coupable de le laisser se débrouiller puis me fond dans la foule pour chercher un visage connu. Mes yeux scrutent toutes les dames de la haute, m'attirant des regards haineux. Aucun minois ne correspond à celui de ma belle. J'avance le nez en l'air, occupé à dévisager les passantes de la Grande Place.

***

Ayant perdu des heures à chercher dans tous les sens, j'avise un groupe de jeunes femmes aisées et m'empresse de les apostropher, aussi poliment que possible pour ne pas me faire refouler avant d'avoir posé une question.

« Excusez-moi Mes Dames, connaissez-vous une jeune demoiselle du nom d'Opsia Solemnis ? »

Elles murmurent entre elles, me jaugent. Je fronce les sourcils avant d'essayer de sourire. Je ne voudrais pas prendre un coup de pied, ni un coup de matraque. L'une d'elle, à la toge d'une couleur bleue chatoyante s'exprime soudain, la mine grave.

« On dit qu'elle a sauté dans le fleuve et qu'elle n'est jamais revenue. »

Je blêmis. Opsia. Qu'as-tu fais ? Que t'es-t-il arrivé pour que tu en arrives à de telles extrémités ? Je déglutis difficilement.

« M...merci pour l'information. »

Je fais demi-tour, le cœur lourd.

Je ne saurais pas dire combien de temps cela fait que j'avance sans but, l'esprit tout occupé à accepter l'information. Mon oreille s'égare tout de même dans la foule lorsque j'entends « Yggradsil » murmuré si bas et tant sur le ton de la confidence que je ne peux empêcher mon ouïe de le détecter et de s'accrocher au reste des paroles. « On dit qu'il est retenu chez le Consul. » « Pourquoi le Consul voudrait un pouilleux chez lui ? » « C'est pas n'importe quel pouilleux, c'est un homme apprécié dans son village. On dit que tout ce qu'il n'a pas dans les jambes, il l'a dans la tête ! »

Je me redresse brusquement. Abasourdi. Ulter serait ici ? Je l'ai laissé il y a bientôt six mois dans notre village pour me rendre à l'étranger pour des épices et des tissus de valeurs, et voilà qu'il est retenu ici ? Mais que s'est-il passé ?

La soudaine inquiétude pour mon ami atténue à peine la douleur que j'éprouve à l'idée d'avoir perdu la seule femme que j'ai jamais aimé. Mais elle me donne un but à poursuivre, pour ne pas finir de la même manière. La maison du Consul hein ? Je dois trouver un moyen d'y parvenir.

***

J'ai convaincu mon père de me laisser emmener quelques produits de valeurs, des bijoux précieux, des tissus soyeux mais aussi des livres. Me voilà devant la porte de la maison consulaire. Prêt à rudement batailler pour réussir à entrer.

Tiens bon, l'ami !@SKOT NORGAARD x Ulter Hërling
Une journée bien remplie s'achevait, en cette fin d'été, dans la villa du Consul Tiberius. Le renommé maître des lieux venait d'enchaîner audiences et rendez-vous professionnels. Devant lui, des quémandeurs s'étaient succédé, mais aussi des gens plus réticentes à se présenter face au seigneur Genitius pour y recevoir ses rigides directives... parfois ses remontrances. Il s'était en outre, fidèle aux us romaines, consacré à recevoir sa dizaine de clients venus chercher auprès de lui un panier de victuailles en échange de services : parler en bien de lui pour la prochaine campagne politique, plaider en faveur de ses affaires, faire des corvées nécessaires à la vie de sa famille mais indignes de sa noblesse.
Pendant ce temps, son fils avait poursuivi ses études de rhétorique sous la houlette du pédagogue particulier acheté par le Consul. Les femmes se séparaient de leurs amies après un temps de couture et de discussion dans le gynécée au fond de la domus. On allait vaquer à une petite soirée de lecture et conversation, en attendant que les esclaves servent le dîner. Cependant, il semblait que les Genitius n'allaient pas encore être tranquille : le portier leur annonça qu'un étrange inconnu, aux longs cheveux blonds, attendait devant l'entrée. Et qu'il avait l'air d'un marchand ambulant.
« Chasse-le ! » ordonna Tiberius. « Nous n'avons pas vocation à recevoir tous les colporteurs plus ou moins pouilleux de la capitale. » Aussitôt, sa femme arriva dans le vestibule et, d'un large sourire égal à sa bonne humeur du jour, intervint : « Oh je vous en prie, Tiberius, laissez-le entrer pour une fois. On dit qu'il propose de riches parures et élégants ornements. Celui-là ne doit pas être le dernier des gueux. Je suis disposée à jeter un œil à ce qu'il propose. » Le Consul hocha la tête : « Soit. Si cela vous agréé. » Puis au portier : « Qu'il entre. Mais gare à lui au moindre problème. » Un esclave alla ouvrir les portes au commerçant.
Cornelia la première alla attendre face à l'entrée, prête à recevoir l'individu dans sa toilette de soie turquoise, la gorge déjà riche d'une rivière de petits diamants. Son mari se tiendra plus en retrait, droit, sévère, bras croisés dans son dos. Sous ses cheveux blonds coupés court à la mode masculine romaine, un regard ombrageux se montrait prompt à scruter le visiteur. Et à le remettre dehors s'il commettait le moindre faux pas ou avait le mauvais goût de trop abuser du temps des Genitius. Les lourds plis de sa toge donnaient à Tiberius un air à se confondre presque avec les statues de marbre qui entouraient l'impluvium.

Ce que le Consul et son épouse ignoraient, c'était qu'Ulter venait de rejoindre l'une des colonnes au plus près de l'entrée – et qu'il s'y tenait aussi discrètement que possible, appuyé sur ses béquilles de fer. L'otage avait entendu du bruit et compris que quelqu'un d'inhabituel se présentait. L'envie le prit d'entendre ce qui se dirait. Cela lui ferait une occupation, pour le sortir de son quotidien aux heures si mornes – si interminables loin des siens, isolé dans une petite pièce l'écrasante majorité du temps.
Il fallait dire que sans cela, cette journée aurait ressemblé à tant d'autres. Au fond de sa chambrette, assis devant la table à sa disposition, Ulter avait passé des heures à établir les colonnes de comptes et listes administratives qu'on exigeait de lui. La chose était devenue une routine pour son esprit très rapide à calculer, et sa main tout aussi preste à tracer les chiffres au creux des tablettes de cire. Routine qui, au moins, présentait la vertu de divertir un temps ses pensées des inquiétudes qui lui agitaient le crâne. Ses craintes pour Freya : son amour risquait les fureurs d'une belle-mère odieuse. Et ses interrogations au sujet d'Yggradsil. Sa famille et ses amis allaient-ils bien ? Azura... avait-elle chassé Roland ? Pourvu que les Romains n'aient pas encore fait des leurs contre le village.
Pour conjurer ces angoisses, Ulter ne rechignait donc même pas quand le contremaître de Tiberius lui imposait ces tâches. Des tâches intellectuelles, au moins. Qui avaient l'autre mérite de lui donner à agir, alors que durant le gros de ses journées, tourner en rond était sa plus grande activité. Certes, le Consul avait la bonté de le laisser profiter du jardin et des livres. Mais Ulter avait déjà dévoré presque tous ses rouleaux. Or ses promenades étaient conditionnées : il ne devait jamais aller dans les salles de travail, ni quitter sa chambrette quand la famille recevait du monde – il ne s'agirait pas qu'un otage entende des choses qui ne lui étaient pas destinées.
Autant dire que ce soir, le jeune homme désobéissait. Derrière sa colonne, il glisserait un œil sur ce marchand ambulant. De très rares gardes passaient dans ce vestibule : le détenu risquait peu d'être dénoncé. Quant aux esclaves de la villa, il s'était vite fait apprécier d'eux. Ils ne diraient rien au Consul s'ils venaient à passer par ici. Il était d'ailleurs fréquent que lorsque des hôtes croisaient par hasard l'otage, celui-ci soit pris lui aussi pour un esclave, vêtu de ses braies en toile épaisse, d'une modeste tunique grise, le visage encadré de ses longs cheveux parfois tressés à la mode d'Yggradsil... mais le plus souvent en désordre quand, perdu dans ses pensées, Ulter omettait de se coiffer.
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Tiens bon l'ami

- Ulter et Skot

Ah comme je m'y attendais, je poireaute sagement avec mon chariot pendant qu'on me traite de tous les noms à l'intérieur. Oh j'ai bien vu les expressions méprisantes des gardes. Le consul est un homme bien protégé et se sent largement au-dessus de tous. On me houspille tout en même temps qu'on me dit que je peux entrer.

« Merci, je ne suis pas là pour créer des problèmes mais pour faire du commerce. »

Je souris au garde, me retiens de rendre mon expression goguenarde. Je suis fouillé bien sûr, on me retire tout ce qui peut servir d'arme. Ils fouillent mon chargement aussi et manquent de me retirer un petit poignard de décoration incrusté de pierres précieuses.

« Ah non, pas celui-là, il pourrait plaire à Madame ! »

Je soupire et répète que je ne suis pas venu pour chercher des problèmes mais pour vendre et que j'ai pas non plus toute la soirée. Finalement il me laissent rentrer, un garde me suivant de près pour me surveiller moi et mes poignards de décoration. Je souris. Je m'en fiche bien. Je suis simplement venu faire du repérage.

Un esclave me guide vers la maîtresse de maison, richement vêtue et emprunte d'une élégance indéniable, je lui offre mon plus beau sourire et puis je m'incline devant elle, bien bas.

« Madame, permettez-moi de me présenter : Kjotvi Skufsson, marchand itinérant de père en fils. Mon père et moi vendons les meilleurs produits du monde, choisis avec soins pour leur qualité et fiabilité, dans toutes les villes portuaires. »

En repérant l'homme qui se tient derrière la dame avec sa stature princière, j'ajoute :

« Monsieur, merci de me recevoir en votre demeure. »

J'avise le garde avant de pouvoir commencer à présenter mes produits à la femme du consul. La laissant observer et s'émerveiller de tout ce qui brille, j'en profite pour jeter des coups d’œils discret sur le décor. Tout respire la richesse et la propreté, je me sentirais presque sale ici. Les esclaves me scrutent, je m'empresse de leurs sourire. Je tâche de ne pas être trop distrait par mon repérage, la dame me parle, me questionne sur la provenance des tissus.

« Elle vient tout droit de Chine, fabriquée par des maîtres. Voyez le maillage ? On ne le voit même pas, c'est fabuleux n'est-ce pas ? Et les finitions, ces broderies discrètes sont uniques ! »

Je lance un regard vers le Consul pour lui demander poliment.

« Monsieur le Consul est-il intéressé par des parchemins et des livres ? J'ai également de magnifiques plumes et encriers. »

Mon regard se perd un peu derrière lui. J'aurais juré voir une tête familière, mais je me recentre sur le maître de la maison. Le moindre impair me mettrait dehors pour sûr.

Tiens bon, l'ami !@SKOT NORGAARD x Ulter Hërling
Sobres, la mine fermée, les gardes acquiescèrent à l'intervention du marchand puis procédèrent à la fouille. Son chariot regorgeait de belles pièces qui plairaient à Cornelia Genitia. Un soldat s'arrêta, suspicieux, sur un poignard incrusté mais l'homme insista pour le conserver. Ils s'entre-regardèrent, se consultèrent un peu à l'écart, puis finalement l'un d'eux lâcha un bref : « Va pour ça. » De toute manière, des vigiles veillaient aussi à l'intérieur à la sécurité. Enfin, on laissa entrer le colporteur.

À l'intérieur, Cornelia accueillit Skot d'un sourire malgré tout distant, prenant soin de conserver la frontière sociale dans l'ensemble de son attitude policée. « Bienvenue. Je me réjouis de découvrir les raffinements que ces ports ont à offrir. » déclara-t-elle avant d'approcher. Sitôt que le marchand commencerait à montrer ses produits, elle se penchera au-dessus des uns et des autres pour les consulter. Tiberius acquiesça seulement, placide, aux politesses et remerciements du voyageur. Lui aussi s'avancera, prêt à jeter un œil aux belles choses que ce marchand avait à proposer.
La dame Genitia prenait le temps de se délecter d'une paire de boucles dorée incrustée de pierres ambrées, puis d'un collier où scintillait une série perles d'huîtres, avant d'admirer la finesse des étoffes asiatiques. Les couleurs, la douceur en étaient remarquables ! On disait l'extrême Orient réputé pour ses techniques de la soie – entre autres choses. Rome veillait à entretenir quelques relations commerciales avec ces lointains empires. Alexandre le Grand avait tenté de conquérir les Indes, s'y était cassé les dents... mais faute de conquête, la puissance des César se contentait de négociations. « C'est une pure merveille ! » commenta Cornelia. « Votre famille doit avoir d'excellentes relations en de nombreux comptoirs de l'Empire pour que vous puissiez accéder à ces trésors. D'où êtes-vous donc ? » La noble se demandait si c'étaient grâce aux connaissances locales de cette famille qu'ils bénéficiaient des accès à ces ports et marchandises. En même temps qu'elle posait ces questions, ses mains continuaient de parcourir bagues, colliers, puis ce poignard dans son fourreau aux ciselures d'une qualité rare. Une matrone portant des armes ne se voyait pas vraiment, cependant son regard alla chercher celui de son époux, qui pourrait apprécier une lame si élégante.
Tiberius la prit, l'observa, en écoutant les bribes de conversation entre sa femme et le colporteur. « Volontiers. » réagit-il quand il fut question de codex et volumini. « Je suis toujours curieux de ce qui circule actuellement en matière de belles lettres. » Un sujet sur lequel, d'ailleurs, il avait été étonné de trouver beaucoup à discuter avec l'otage d'Yggradsil – qui s'était révélé instruit, moins sauvage qu'il se l'était initialement imaginé.

Ulter demeurait à l'abri derrière sa colonne. Son cœur rata un battement lorsqu'il entendit la voix et le nom de ce marchand. Skot ! Par les Dieux, que faisait-il à Rome ? Plus précisément là, chez les Genitii ? Cela ne pouvait être un hasard. Avait-il entendu que ces patriciens avaient été chargés de le retenir comme otage ? Et dire que cela faisait des mois que les deux jeunes hommes ne s'étaient pas vus... De par son métier, Skot parcourait les routes, allait, venait, n'était jamais resté bien longtemps au village. L'archiviste gardait néanmoins d'excellents souvenirs de leurs conversations : lorsque Skot avait découvert ses pouvoirs, qu'il était venu à la tour se documenter, que les deux garçons avaient longuement dialogué au sujet de la magie, des légendes... Appuyé sur ses cannes, Ulter dut apaiser son souffle qui venait d'un peu s'emballer. Il devait attirer l'attention de son comparse.
Après une courte réflexion, il eut une idée. Profitant du fait que les bijoux captent l'intérêt du couple Genitius, l'infirme se pencha de tout son poids sur une de ses béquilles. Et de l'autre, il allait s'en servir pour se signaler à Skot. Ulter leva le bras – et l'engin dans sa suite, de sorte à ce que son compatriote puisse en voir le manche faire de petits aller-retours en dehors de la colonne. Très vite, Ulter ramena sa canne à lui – le plus délicatement possible : il fallait éviter le moindre bruit. L'otage reprit son équilibre. Il serait fâcheux de s'écraser à terre et d'attirer les regards sur lui. Lui qui n'était pas censé être là. Avait-il bien happé la vigilance de Skot ? L'invalide se résolut cette fois-ci à jeter brièvement un œil hors de sa cachette, peut-être même à capter le regard du voyageur. Comment trouver à se parler ? Il en mourait d'envie. Il pourrait avoir des nouvelles d'Yggradsil, apprendre ce qu'était devenu Skot depuis le temps, lui demander les raisons qui l'amenaient à Rome ! D'ici là, il arqua un sourcil à la mention des livres et s'intéressa lui aussi à ce que son comparse allait proposer au Consul – livres dans lesquels évidemment l'otage mettrait également le nez.
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Tiens bon l'ami

- Ulter et Skot

Je ne peux m'empêcher de gonfler fièrement le torse devant les expressions de satisfaction de la dame de la maison. La voir s'extasier sur chaque marchandise me conforte dans l'idée que l'ardeur que nous mettons, mon père et moi dans la quête des meilleurs produits que le monde a à offrir n'est pas vaine. Ma venue en ces lieux étant de vérifier qu'Ulter est bien ici, je ne sais pourtant pas comment m'y prendre, voir le visage de mon ami, je l'espère tant que j'ai l'impression de le voir partout. Il faut que je me concentre pour ne pas avoir l'air d'observer. Il est évident qu'ils penseront que je repère les lieux pour venir les voler par après. C'est un peu vrai, si je pouvais leur voler mon ami. Mais pour le moment aucune trace de ce dernier et ma principale cliente m'interpelle à nouveau.

« Je suis vraiment ravi de voir que vous appréciez ce que je vous présente. Mon père et moi parcourons les ports de la Méditerranée depuis ma plus tendre enfance. Nous y avons croisé de nombreux marchands avec qui nous avons établis d'excellentes relations en effet. »

Je marque une pause pour reprendre mon souffle. La question me pique alors qu'elle ne devrait pas. En effet, répondre que je suis à né à Yggradsil serait me planter une flèche dans le pied. Avec cette réponse, je ne mens pas, mais j'omets la partie la plus dangereuse.

« Je suis né à la périphérie de Rome, mais ma principale demeure est le navire sur lequel nous voguons avec notre équipage. »

J'enchaîne sans tarder sur les fournitures de scribe, intéressant par la même occasion le maître de maison. Je suis soulagé, soulagé de voir que ça prend mieux que je ne l'aurais cru. Je suis simplement étonné que le minuscule poignard incrusté de gemmes n'intéresse en rien la dame. Pour moi, il est habituel de voir les plus riches femmes armées de ce genre d'outils de défense, habilement glissé contre une cuisse. Je bondis rapidement sur l'occasion de faire oublier ma naissance et j'indique rapidement quelques ouvrages récents.

« Celui-ci vient d'Opien Avienus* un romain établit à la frontière mésopotamienne depuis quelques années, il renseigne sur la politique du pays et des pays voisins. »

Je m'assure que le noble soit bien absorbé par le livre en question et mon regard parcourt légèrement les alentours à nouveau. Je capte un mouvement derrière une colonne. Je cligne des yeux, pour être certain de ce que j'observe. Une canne qui s'agite. Un léger sourire étire le coin de ma bouche. Je le sens. C'est bien lui. M'assurant que le couple est toujours absorbé par les marchandises, et que les gardes regardent ailleurs, je jette à nouveau un œil vers la provenance de l'agitation silencieuse. Cette fois je repère le front puis le visage entier qui s'avance doucement pour regarder. Je me retiens de sourire franchement. Ulter est bien là, et il n'est heureusement pas enchaîné. Mon regard accroche le sien un bref instant. Je ne sais pas encore comment, mais je vais faire en sorte de l'atteindre. Je tente le tout pour le tout auprès des Genitii.

« Si vous me permettez de demander, avez-vous d'autres personnes au sein de la maison qui pourraient être intéressés par ma marchandise ? Dois-je revenir avec des choses différentes ? Ici vous avez un éventail assez varié, mais je peux fournir un service à la demande également. »

J'espère avoir suffisamment noyé le poisson pour que cela passe incognito. Et si ça ne fonctionne pas, alors j'utiliserais la magie pour le faire venir à une fenêtre qui donne à l'extérieur. On trouvera le moyen de parler.

*Nom d'écrivain inventé. x)

Tiens bon, l'ami !@SKOT NORGAARD x Ulter Hërling
Ulter s'amusa du petit mouvement de fierté de Skot – torse bombé, satisfait à très juste titre de son commerce. Ainsi montrait-il aux patriciens que le peuple avait motif à ne pas se tenir que prosterné ou intimidé devant eux. D'ailleurs, il fallait voir comme Tiberius et son épouse se régalaient devant les produits de luxe, observaient les bijoux, la dague, posaient des questions. Le couple Genitius acquiesça aux réponses du colporteur. Cornelia s'enthousiasma à l'idée des périples en mers : « Oh, ce doit être merveilleux que ces voyages, ces contrées que vous explorez ! L'Empire s'est implanté dans nombre d'entre elles, mais est loin de toutes les maîtriser... Alors au moins, les explorateurs comme vous nous permettent-ils de découvrir certaines des merveilles de ce monde si vaste. » La matrone devait malheureusement en rabattre sur ses rêves de voyages et de péripéties : son rôle était de participer à l'irréprochable image familiale que devait dégager sa maisonnée – surtout en vue de l'engagement de Tiberius dans de prochaines élections. À lui, les aventures et périls. Elle avait fort à faire à gérer la domus, les réceptions, et à entretenir toutes les relations de la famille.
Derrière sa colonne, l'otage marqua un rictus à entendre la Dame se désoler que d'autres contrées lointaines aient l'outrecuidance de ne pas appartenir encore à l'Empire. Alexandre le Grand lui-même s'était pris une dérouillée aux Indes. Le goût de la démesure perdrait Rome. Ulter pouvait cependant compatir au désir d'aventure qu'il devinait frustré chez cette femme. Au moins y avait-il les livres pour voyager par procuration. Quant à la dague, sans doute sera-ce Tiberius qui l'achètera – pas une sage matrone. On ne pouvait pas dire que Cornelia comptait parmi les patriciennes les plus audacieuses de l'Empire. L'archiviste sourit à la mention d'Opien Avienus : il ne l'avait jamais lu, mais son nom était sorti de la bouche d'un politicien lors d'une soirée et l'excellente mémoire d'Ulter l'avait noté. Connaissant Tiberius, il ne douta pas que l'homme se procurerait les ouvrages.
« La connaissance des contrées lointaines et de leur politique est un atout. C'est un excellent choix, jeune homme, que de proposer des ouvrages de cette nature, annonça Tiberius, avant de se tourner vers Cornelia : Ma Dame, j'espère que vous y trouverez de quoi nourrir votre soif de connaissance du monde. Une fois les élections passées, nous voyagerons, promis. » Le couple s'échangea des expressions plus attendries – quoique contenues. « Combien pour ces ouvrages et la dague ? » demanda le Consul. « Et pour la parure ? » renchérit Cornelia. « Celle en or avec les opales. »

L'otage nota le début de sourire de Skot. Il l'avait vu ! Leurs regards se croisèrent. Parfait. Pendant que son ami donnerait à ces Messieurs-Dames le prix de ce qu'ils réclamaient, il voulut réfléchir à un moyen de lui signifier où le retrouver. L'idéal serait que son comparse puisse faire le tour de la domus et aller à l'arrière, jusqu'à la petite fenêtre de sa chambrette. Là où Ulter avait discuté clandestinement avec Freya. Le souvenir de cette première rencontre avec sa bien aimée faillit l'emporter dans sa rêverie – au risque de se déconcentrer. Heureusement il se rattrapa et focalisa son attention sur ce qui continuait de se jouer entre Skot et les Genitii. D'ailleurs, son ami tentait à présent une manœuvre pour le voir – ainsi qu'il le devina très bien sous entendu dans cette autre personne de la maison. Il ne devait surtout pas bouger. Laisser répondre Tiberius.
« Pour ce qui est d'autre produits, il n'y a pour l'heure rien qui me vienne en tête. En revanche, oui, quelqu'un en cette demeure serait ravi d'observer vos livres. » déclara le Consul, avant d'appeler son contremaître d'une voix forte : « Flavius ! Allez chercher Ulter ! » Le principal intéressé se pinça les lèvres. « Oh, oh. » murmura-t-il. L'intention de Tiberius était bonne, de penser à son goût pour la littérature... mais il n'était pas censé être là à écouter derrière une colonne. Il se prépara à avancer d'une démarche tranquille comme s'il venait d'arriver, et à faire l'ignorant, expliquant ne pas avoir perçu que les Genitii étaient avec un voyageur... mais avoir approché en entendant son nom. Ce rustaud de contremaître, toutefois, venait déjà de rappliquer. Il prit Ulter de cours en lui saisissant le bras, le tira hors de la colonne. Flavius jappa : « Il semble, Consul, que l'otage ait de beaucoup devancé votre souhait. » Celui-là ! Toujours parfait rapporteur ! Qu'espérait-il à la fin ? Son sucre ?
L'infirme s'était retenu à temps sur ses béquilles. Il reprit son équilibre, se dégagea de la poigne de Flavius par un geste sec. Tiberius fit les gros yeux, Cornelia resta interdite. Ulter s'inclina et engagea pour le patricien : « Je déambulais à côté et venais d'entrer après vous avoir entendu demander à ce qu'on aille me chercher. » Son regard passa sur le contremaître et il ajouta d'un ton doucereux, avec un faux sourire : « Moi qui ai accouru pour vous épargner un trajet inutile. » Il jouait un jeu dangereux, il en avait conscience. Pourvu que cela passe. L'otage cilla. Ses pupilles dessinèrent de discrets mouvements vers Skot comme pour dire « Enchaîne, enchaîne... » tel un acteur à son confrère de scène dans une improvisation serrée. L'archiviste se sentit embarrassé de la drôle de scène dans laquelle il mettait son ami... alors que celui-ci avait déjà monté une belle astuce pour venir le voir.
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Tiens bon l'ami

- Ulter et Skot

« Vous me voyez honoré de contribuer à la découverte de celles-ci. »

Je m'incline poliment vers le couple. Je détecte chez la maîtresse de maison comme une envie dans le ton de la voix. Il est évident que si les femmes pouvaient parcourir le monde au même titre que nous, ce dernier serait tout autre. J'ai croisé quelques aventurières, plutôt des guerrières, et pour beaucoup sorcières. Elles ne se perdent pas dans les négociations, elles déterminent si l'interlocuteur est allié ou ennemi, s'il est ennemi, il ne reviendra jamais chez lui. C'est trop risqué de laisser des personnes repartir, qui pourraient les dénoncer. Je m'égare dans mes pensées encore un instant avant de revenir vers le Consul.

« Je vous remercie du compliment, mon père et moi avons l'obligation de satisfaire tous nos clients. Si vous le désirez, je pourrais vous en présenter davantage à mon prochain passage. »

Je souris poliment. Il ne faut pas avoir l'air d'être intrusif. J'entends le Consul promettre le voyage à sa femme. Au fond de moins je ne peux m'empêcher de trouver cela attendrissant. C'est assez rare finalement, les couples où il y a de l'affection. La plupart des gens aisés se marient pour des raisons politiques ou pécuniaires. Il va sans dire, que ça me fait autant plaisir que cela me surprend. Voilà le moment des annonces de prix. Je m'empresse de citer les prix de chaque marchandise désirée. Puis tombe ma dernière question, j'essaie d'avoir l'air parfaitement détendu, mais je sens tout mon être se tendre sous la pression. Puis un vrai sourire se dessine sur mon visage lorsque le Consul qui pense donc à une question innocente de marchand m'accorde mon souhait. Le prénom de mon ami résonne comme une victoire, mais je me dois de rester aussi distant et inintéressé qu'au début.

Cependant je vois bien que tout ne se passe pas comme prévu pour Ulter qui se retrouve débusqué de sa cachette par le dit Flavius que je déteste déjà. Je jette un regard vers le couple qui semble perturbé, sans trop savoir quoi penser des excuses de leur otage diplomatique. Par chance je capture le discret coup d’œil d'Ulter alors qu'il arrive presque à notre hauteur. Je me racle un peu la gorge pour attirer l'attention du couple et ainsi détendre l'atmosphère qui s'est soudainement tendue suite à la réplique quelque peu audacieuse de mon ami. Aussi poliment et respectueusement que possible, je demande au maître des lieux.

« Si je puis me permettre, Consul, de montrer les ouvrages à Monsieur Ulter ? »

D'un geste du bras, j'invite Ulter à avancer vers le petit étalage d'une trentaine d'ouvrages plus ou moins épais.

« Je dispose de quelques ouvrages sur la politiques étrangère comme le livre d'Opien Avienus, celui-ci est semblable mais renseigne sur les terres d'Arabie. Vous avez aussi celui-ci qui concerne plutôt la Macédonie, celui-ci.... »

Et je continue ainsi en détaillant tous les livres pour noyer le poisson et leur faire oublier toutes leurs pensées. D'un certain point de vue, j'espère que le Consul finira par s'éloigner, lassé, même si je crains que ça ne soit pas possible. Pendant que j'explique à Ulter quel livre est quoi, je m'arrange pour le masquer aux regards de ses geôliers, lui offrant accès à une feuille de parchemin et une craie de couleur discrète, si bien que de loin, on ne verrait rien à ce qui est écrit. Je l'invite à me laisser un message, pour, peut-être pouvoir se retrouver discrètement ailleurs. Je ne cesse de jeter des regards au couple consulaire attendant l'opportunité de pouvoir demander à mon ami comment il se sent.

HRP: j'ai mis "monsieur" mais en réalité c'est parce que je ne trouve pas l'appellation qu'il faut réellement employer XD.

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LUNA NERA

Ñolofinwë Kirkja

Ulter Hërling

Tiens bon l'ami [Ulter & Skot - Septembre 902]