Aux pieds de l'Aigle Impérial [ft. Ñolofinwë Kirkja ¤ Août 902]

¤ Août 902 ¤

Fidèle à lui-même, le Consul Tiberius Genitius Sapiens avait obéi aux ordres de son empereur : il était resté muet comme une tombe, n'annonçant rien à son captif quant au petit déplacement qu'il allait faire en ce jour – et encore moins au sujet de l'identité de la personne qu'il allait rencontrer. Ou plutôt, retrouver. Une dénommée Ñolofinwë, habitante d'Yggradsil, était restée exprès à Rome pour cette entrevue au sur-lendemain des grands jeux qui avaient eu lieu au Colisée. Elle avait attendu que l'Empire accepte sa requête : profiter de sa présence dans la Cité Éternelle pour voir son ami. La native de ''la ville des sorcières'', ainsi qu'on l'appelait dans les quartiers latins, avait insisté pour s'assurer de la bonne foi des adversaires et de la manière dont l'otage politique était traité. L'auguste Eleazar Lazare avait finalement accepté. Après tout, si ce gage tenait les natifs d'Yggradsil tranquilles, l'empereur estimait qu'il pouvait bien octroyer au détenu et à l'étrange fille cette rencontre. Laquelle serait toutefois surveillée.
De tout cela cependant, Ulter ne savait rien. Le Consul connaissait l'intelligence du jeune homme et le souverain de Rome, auquel Tiberius devait régulièrement rendre rapport, jugeait qu'il était hors de question de laisser le temps à l'otage de se préparer psychologiquement à l'entrevue... L'infirme ne devait pas mettre au point à l'avance dans sa tête quelque duperie, quelque façon biaisée de passer à Ñolofinwë des informations dont la fuite serait malvenue. Ulter devait donc, pour ce faire, rester ignorant jusqu'à l'instant où arriverait la demoiselle.

Ce fut donc avec un grand étonnement et autant d'inquiétude que l'otage vit débarquer le Consul dans sa chambrette, pour lui dire de se lever et de le suivre immédiatement... Sans un mot de plus. Tiberius lui-même se trouvait mal de devoir observer ce mutisme, s'imaginant les questions que sa venue et son silence généraient chez le jeune homme dont il avait la garde. S'il avait pu, il lui aurait expliqué. Le patricien éprouvait désormais de la sympathie pour celui qu'il ne considérait pas que comme son détenu. Néanmoins, il entendait les raisons de l'empereur et son devoir primait. Cela, Ulter le comprenait : des ordres devaient être à l'origine de l'attitude du consul. Docilement et sans poser de question, il se contenta donc d'enfiler son manteau par dessus la tunique qu'on lui avait laissée, puis de se dresser sur ses béquilles. Un rapide geste de la main ambitionna de remettre un semblant d'ordre à sa tignasse. Sourcils froncés, regard préoccupé, il suivit Tiberius de son rythme traînant, ses pieds inertes frottant le sol au milieu des claquements de ses cannes.
Son inquiétude se mua, une poignée de secondes, en terreur en se découvrant livré à quatre gardes prétoriens. Quelque chose de grave était-il arrivé ? Devait-il... être puni suite à un incident, selon les menaces adressées par Rome ? Ou bien allait-on l'interroger ? Heureusement, le visage plutôt serein du consul fut un indice : il ferait une toute autre tête si un événement douloureux et tragique se préparait. Ainsi rassuré, Ulter poursuivit sa route la tête haute et se laissa mener dans un attelage presque entièrement fermé. Une secousse et le claquement des sabots du cheval annoncèrent le départ. À la seule petite ouverture assez haute sur un côté du véhicule, Ulter déduisit sans mal qu'on ne désirait pas qu'il mémorisât la route empruntée. Tout ce qu'il pouvait voir, c'était le sommet de quelques bâtiments et monuments le long de l'itinéraire. Il s'occupa donc l'esprit tant bien que mal à observer ce qu'il pouvait, tête penchée, yeux en l'air. Une activité comme une autre pour ne pas se laisser bouffer par le flot d’interrogations angoissantes quant au motif de son déplacement.

Enfin, l'attelage marqua une halte et la porte se rouvrit. Les soldats aidèrent l'otage à sortir et on lui remit ses béquilles. Ulter écarquilla les yeux en découvrant des colonnades immaculées, de grands escaliers, et l'entrée richement ornée de ce qui devait être un des bâtiments politiques de Rome. Peut-être une dépendance de la curie, ou du sénat, ou un autre poste où se déroulaient certaines entrevues importantes ? Il en eut le souffle court, à nouveau en proie à l'anxiété et intimidé de se trouver là devant des édifices de prestige. Que pouvait-on bien lui vouloir ? Autour du bâtiment, sur l'immense place, Ulter put apercevoir plusieurs statues des dieux de Rome, ainsi que des temples qui leur étaient aussi dédiés. Au milieu d'eux, une autre sculpture l'intrigua : une gigantesque flamme. Le natif d'Yggradsil se rappela alors de ce qui se disait dans sa cité... Que Rome célébrait la purge des Sorcières par une monumentale statue représentant le feu purificateur. Ses mains se comprimèrent à ses béquilles et il serra les dents, ravalant sa colère.
Soudain, il se sentit poussé par un des soldats : il devait les suivre. Ulter béquilla tant bien que mal dans les escaliers. Il croisa des romains en toge ou en costume militaire, qui ne manquèrent pas de poser sur lui des regards au mieux étonnés, au pire méprisants. Certains avaient l'air de savoir la raison de sa présence. Et il entendit une énième fois plusieurs remarques qui ne le surprenaient même plus. Que lui et les gens d'Yggradsil avaient tout de même une allure mal dégrossie... Que l'Empire ferait bien de les civiliser comme il avait fait avec les autres peuples... Que cet estropié avait bien de la chance de n'être ''que'' otage et de ne pas avoir fini cloué sur une croix, ou jeté aux bêtes dans le Colisée, alors qu'il avait ouvertement défié Rome et caché une sorcière recherchée... Ulter inspirait lentement pour conserver son calme, gardait les yeux fixés devant lui et ne les baissait sûrement pas.
Les soldats le firent entrer dans une petite pièce où il découvrit une table, deux chaises. Les quatre gardes prétoriens semblaient déterminés à rester là. On attendait quelqu'un. D'ailleurs, d'autre pas décidés d'hommes en armure résonnaient déjà derrière la porte.

Codage par Libella sur Graphiorum

Les jeux organisés par Rome n’avait guère plus à la sorcière bien au contraire, comment des êtres capable de faire du mal à d’autre humains et aux animaux de cette manière pouvaient d’une quelconque manière comprendre le peuple auquel elle appartenait ?
La jeune femme avait profiter de l’occasion des jeux pour faire une demande officiel avec l’autorisation de leur chef afin de voir l’otage politique également son grand ami Ülter. Par chance ça avait été accepté, le surlendemain des jeux on vint la chercher là où elle logeait le temps du séjour dans une petite taverne. Des gardes avaient bandé ses yeux et l’avait fait monter dans un attelage. Elle resta calme et posa ses mains sur ses genoux, la respiration lente. Elle pouvait sentir le regard des gardes. La jeune femme faisait des efforts vestimentaires, elle avait durant ses dernières années, cousue de nombreuses robe qu’elle espérait mettre un jour pour de bonne occasion. Quelle meilleure occasion que sa venue à Rome pour les sortir ? Dans sa robe bleu drapée elle avait l’air d’une déesse. Elle entendit des chuchotement autour d’elle.

Soudain tout se stoppa on l’a fit descendre et on lui retira le bandeau. Avant même qu’on lui retire elle sentait comme une énergie puissante ici, limite douloureuse, à la vue de la flamme symbolique de la purge, elle comprit qu’elle était sur la place où son ancêtre Tatiana avait été brulé vive. Un sentiment de douleur et de colère prit place en elle, elle croisa ses mains sur son ventre comme pour tout contenir. Heureusement elle avait réussir à convaincre Snöfrid de ne pas venir avec elle pour éviter tout conflit supplémentaire, elle n’osait imaginer les souvenirs que cela lui aurait procurer. On la poussa pour lui faire signe d’avancer, elle s’exécuta sans un mot et on lui ouvrit les porte d’un magnifique bâtiment. Le pas sur d’elle elle entra dans la demeure où d’autre garde se trouvait. « Si tout les femmes sont aussi charnelle dans ce bled paumé je veux bien m’y servir ! » dit l’un d’entre eux à voix basse tandis que son coéquipier répliqua amèrement « une beauté pareil ça ne peut-être que sorcellerie. » Le regard fixe elle vit face à elle son ami, elle prit place face à lui. « Ülter… » Elle prit ses mains dans les siennes, les gardes firent un pas. « Cela fais des semaines que je ne l’ai pas vue je peux tout de même lui faire part d’un peu de chaleur humaine ! » les gardes se remirent à leur place silencieux.  Une drôle d’atmosphère planait dans la pièce.

Codage par Libella sur Graphiorum

Quelles ne furent pas la surprise et la joie d'Ulter en voyant – enfin – la porte s'ouvrir sur celle qui avait insisté pour le visiter : Ñolofinwë ! Et quel tumulte de son cœur dans sa poitrine ! Voilà plus de trois mois qu'il n'avait pas pu côtoyer ses amis d'Yggradsil ni sa famille... hormis Azura, l'avant-veille lors des jeux... mais cela s'était passé dans des circonstances si particulières : la guérisseuse avait dû se faire passer pour une esclave et ils ne s'étaient pas vraiment parlé comme ils l'auraient souhaité, encore moins pour évoquer leur village. Malgré tout, ces instants avec sa très chère comparse avaient mis du baume au cœur de l'otage. Et aujourd'hui, c'était Ñolofinwë qui venait !

Sous le choc, les grands yeux très bleus de l'archiviste restèrent fixes, quelques secondes, devant la silhouette élégante de la sorcière. Elle avait eu le courage d'engager cette démarche auprès des autorités romaines afin de rencontrer son compatriote. Elle avait, pour lui, pris sur elle de rester plus longtemps dans la ville qu'elle honnissait ! Oh, chère amie... Comme il mesurait sa chance d'être si bien entouré ! Ulter suivit l'entrée de la jeune femme et son installation en face de lui. Le drapé de sa magnifique robe bleue lui donnait une allure impériale, ses plis tombaient autour de ses gestes avec autant de distinction que ceux des statues du Capitole. Il devina que cette tenue était une des créations de Ñolofinwë elle-même. Il posa sur elle un regard admiratif – gravité et belle dignité émanaient de son allure – mais surtout plein de reconnaissance pour ce qu'en ce jour elle faisait.

« Ñ... Ñolofinwë... Toi ici. » Il lui sourit. Son regard luisait d'émotion : la voir ici ne lui rappela que trop à quel point elle lui manquait le reste du temps... elle, ainsi que tous ses proches. Et même ses jeunes élèves, les enfants du village qu'Ulter recevait plusieurs fois par semaine aux archives pour assurer leur apprentissage de la lecture, de la religion, de l'histoire d'Yggradsil. Soudain son humeur s'assombrit quand l'otage repéra des lorgnades et murmures déplacés des gardes contre Ñolofinwë. Il darda sur eux ses iris que la colère pouvait rendre d'acier tranchant.
Heureusement, le contact amical des mains de la jeune femme autour des siennes l'apaisa. Ulter ignora souverainement, au passage, la piètre tentative d'intervention d'un soldat... d'ailleurs sitôt remis en place par la sorcière. D'un sourire en coin éloquent, il approuva la demoiselle au fort caractère. « Peut-être est-ce aussi qu'un geste doux les étonne de la part de barbares. » ne put-il s'empêcher d'ajouter, s'accompagnant d'une brève oeillade flirtant avec l'insolence. Deux vigiles le dévisagèrent avec mépris. Mais on ne bougea pas. Il n'y avait guère matière à sévir et, cette fois-ci, il veillerait à ne jamais franchir la limite. Pas comme quand Roland était venu, que cela s'était fini par une droite de la part d'Ulter, puis une empoignade entre les deux hommes... débouchant sur une flagellation pour l'otage.

« Tu n'imagines pas à quel point je suis heureux de te voir. » murmura-t-il après avoir retrouvé toute sa douceur. Il essaya de faire abstraction de la présence oppressante des gardes. « Merci. » Il faillit alors suivre son élan et passer un bras aux épaules de son amie pour une accolade, mais il se retint par prudence : il ne faudrait surtout pas que Ñolofinwë veille lui rendre la pareille... et que sa main dans le dos d'Ulter risquât de sentir, sous sa tunique, la présence des bandages qu'il portait encore depuis ces coups de fouet. Non, elle n'avait pas besoin de connaître cet incident et, une fois encore, l'archiviste se rappela de la promesse qu'Azura lui avait fait faire de ne rien dire sur Roland.

Il plongea ses yeux dans ceux de la sorcière. Comme ils dégageaient quelque chose de neuf depuis leurs derniers moments ensemble à Yggradsil ! « Tu as changé. » dit-il simplement, pour rester mystérieux et ne pas trop en révéler face aux soldats. Ah, ceux-là ! S'ils pouvaient disparaître ! Ulter aurait ainsi le loisir d'entendre librement les nouvelles de Ñolofinwë qui lui tenaient à cœur ! Il y avait tant à discuter : l'état d'Yggradsil ; les progrès de la jeune femme avec ses pouvoirs ; les révélations sur sa famille et sa possible filiation avec Tatiana ; sa relation avec Snöfrid – dont malheureusement l'otage n'avait eu que trop peu le temps de faire la connaissance avant sa capture.
« Le voyage n'a pas dû être facile... » souffla-t-il avec compassion. Là encore en un langage crypté, mais que son amie décoderait sûrement en apercevant la gravité dans les yeux d'Ulter alors qu'ils se tournaient vers la flamme d'une bougie. Oui, il se doutait que Ñolofinwë elle aussi avait dû passer, afin de venir jusque là, devant cette sordide statue commémorative de la Purge.

Codage par Libella sur Graphiorum

La jeune sorcière ne faisait pas attention aux remarques des gardes à son sujets, elle avait l’habitude avec la taverne dans son village natale qu’elle chérissait tant. Ülter avait l’air d’aller plutôt bien, elle espérait qu’il ne souffrait pas trop. Il était ce qu’il se rapprochait le plus d’un grand frère ! Elle tenait vraiment à lui. Il avait l’air profondément heureux de la voir et ça lui réchauffait le coeur. Elle serra sa main plus fort comme pour se donner du courage de ne pas répondre à ses abrutis de garde. « Je suis très heureuse aussi de te voir, j’étais morte d’inquiétude pour toi. » Elle lui sourit tendrement, elle était sincère avec lui. « Tu as changé. » elle plonge son regard dans le siens, oui elle le sentait qu’elle avait changé. « Parfois le changement est nécessaire. » dit-elle sérieusement . « Le voyage n'a pas dû être facile... » Elle soupire, non le voyage a été horrible tout comme cette ville.

« Comment te dire ? … »  Elle prit une profonde inspiration, elle prenait sur elle pour ne pas s’emporter, mais l’image de cette flamme était dans sa tête, elle pouvait entendre les hurlements de ses ancêtres et ses semblables.  « C’est enrichissant on va dire. J’apprends beaucoup de chose grâce à cette magnifique ville. » elle sourit,  bien sur l’ironie prime sur le reste, « tu vas bien rassure moi ? … » Bien ou pas, elle devait penser à le faire sortir d'ici ! Il va falloir qu'elle y réfléchisse plus sérieusement.

Codage par Libella sur Graphiorum

Ce fut une grande peine pour Ulter que d'entendre Ñolofinwë décrire la vive inquiétude qui était sienne – et sans doute celle de sa famille à Yggradsil, depuis sa capture. Au moins, l'otage comme la sorcière seraient un peu apaisés en ce jour par cette entrevue. Même brève, même sous surveillance, l'un et l'autre pouvaient ainsi renouer contact et se rassurer.
Le jeune homme acquiesça avec gravité lorsque son amie confirma avoir évolué. Nécessaire, ah, ça oui ! Elle commençait tout juste à utiliser ses pouvoirs et n'acceptait même pas encore sa nature lorsque l'archiviste l'avait quittée. Aujourd'hui, il sentit Ñolofinwë s'affirmer, prendre la mesure de son don et faire montre de courage – ne fut-ce que pour avoir supporté de prolonger son séjour à Rome, être passée vers la statue commémorative de la Purge, avoir soutenu les regards malveillants de ces hommes sur le trajet. « J'ai même tendance à croire que le changement est dans la nature même de tout. Ne dit-on pas que l'on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière ? » Un temps. « L'on gagne beaucoup à méditer sur le mouvement perpétuel des choses. » Perpetuum Mobile, disaient les Romains. Et avant eux, des philosophes grecs prêchaint l'impermanence de toute chose. L'Empire devrait s'en souvenir. Un jour, les forces tourneraient, la situation politique changerait. Ulter voulait croire au changement aussi bien pour son amie qu'à l'échelle collective.

Comment te dire ? Cette fausse question, suivie du long silence observé par la sorcière, furent assez tristement éloquents pour Ulter. Lui aussi avait, devant cette statue, communié à la douleur de Tatiana et de tous les autres malheureux exécutés durant la Purge. Sa main serra tendrement celle de la jeune femme. Puis il lui rendit un sourire entendu devant l'ironie et le double sens avec lesquels elle flatta de Rome. « Il en va de même pour moi. Être otage de Rome est pour le moins instructif. » L’archiviste veilla à ce que le ton de ses mots les fasse entendre tels des compliments, de la part du barbare ébloui de ce que la Cité Éternelle comptait de faste, d'ordre, de raffinement intellectuel et politique. Là-dessus cependant, il ne mentait pas complètement : on ne pouvait pas retirer à Rome la qualité de son administration, ni son sens du judiciaire et de l'éloquence. Ulter entendait profiter de sa détention pour s'enrichir de cela ! Tôt ou tard, cela lui servirait... Et peut-être même à Yggradsil. Aussi dévorait-il avec passion et soin tout ce que la bibliothèque de Tiberius comptait de traités, de discours, de manuels législatifs et oratoires. Le jeune homme savait que l’Empire avait toujours eu pour stratégie de changer ses otages en bons petits Romains en leur inculquant sa culture. Soit.
Puis Ñolofinwë s'enquit de lui. « Oui, je vais bien. Je t'assure. » Certes il y avait eu, récemment, cet incident avec Tarquin – officiellement Roland à Yggradsil. Le dos d'Ulter allait s'en souvenir, mais il devait reconnaître l'avoir un peu cherché en lui décochant ce coup de poing... et que cela aurait pu être pire que de ne s'en tirer qu'avec une peine par le fouet. On l'avait menacé de fortes représailles si, durant cet entretien, il vendait la mèche... Il y avait aussi cet haïssable contremaître dans la villa de Tiberius : Flavius ne ratait pas une occasion de mépriser le barbare. Mais il ne levait pas la main sur lui et Ulter avait appris à ignorer ses attaques. Abstraction faite de ces deux points, le jeune homme n'avait pas à se plaindre. La loi romaine exigeait un bon soin des otages. « Le Consul que l'on a chargé de me garder est respectueux avec moi. Lui et sa famille me traitent bien. Je mange à ma faim, j'ai une chambre et le droit de circuler comme je veux dans la domus même si je sais être surveillé. » On sentait au naturel de sa voix et à la tranquillité de son regard qu'il ne récitait pas un bobard qu'on lui aurait ordonné de servir. Malgré les circonstances, Ulter avait de l'estime pour la droiture et la rigueur de Tiberius, pour le fait qu'entre eux le dialogue était possible même si le patricien obéissait à l'Empire. « Il y a beaucoup de livres. » ajouta dans un petit sourire le passionné de lettres qu'il était... et afin de faire entendre à demi-mots à Ñolofinwë qu'il saurait en tirer parti : connaître l'adversaire. « Mais dis-moi plutôt : ton apprentissage ? Ton professeur ? » renvoya-t-il, les yeux innocemment rivés à la flamme de la bougie.

Codage par Libella sur Graphiorum

Tout ce qu'elle espérait c'était que le jeune homme soit bien traité, mais le connaissant, elle savait parfaitement qu'il utiliserait sa position d'otage et d'archiviste pour avoir des informations sur Rome et leur éventuelles intentions envers Yggradsil. « Tu as raison, le principal c'est que tu sois bien traité.» Elle fronça les sourcils quand il lui demande pour son apprentissage et pour snöfrid. Elle se mordit la lèvre. « Comment dire, j'ai appris beaucoup de chose sur moi, mes ancêtres et beaucoup de chose. » elle croisa les jambes et joua avec ses doigts. « Mon professeur et moi comme ma mère me l'avait dit, avons énormément de chose en commun et sommes liés... je me suis attachée à lui, bien plus que je ne l'aurais pensé et je ne sais pas trop comment lui dire. »

« Ma mère avait raison... Sur tout, sur moi, sur lui, sur beaucoup de chose. » Bien évidemment quand elle disait beaucoup de choses, elle parlait de Tatiana et du lien qui lit la sorcière à son ancêtre assassinée comme un morceau de viande rôti sur une place public. « Je sais ce que j'ai à faire maintenant. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Ñolofinwë était rassurée de savoir son ami loin de tout danger. Ulter trouva l'apaisement dans le soulagement de la jeune femme. Elle pourrait, de retour à Yggradsil, donner de bonnes nouvelles à ceux qui s'inquiéteraient de l'archiviste. Ou du moins, plutôt que de bonnes nouvelles – car nul ne se satisfaisait de la situation – l'affirmation que rien d'alarmant ne pendait pour le moment au-dessus de la Cité-Diamant ni du fils Hërling. Sa famille serait heureuse, comme Azura et ses frères, ou encore Elzévir qu'il aimait accueillir à la tour des archives pour des conversations nocturnes. L'otage n'eut rien besoin de demander : il se doutait que la belle sorcière se ferait un devoir de rapporter en détail cette entrevue à leurs compatriotes. Il pouvait lui faire entièrement confiance.
« Comment se portent mes élèves ? » demanda l'érudit, la voix alourdie de nostalgie. À Yggradsil, il se faisait un devoir de recevoir sur son lieu de travail, cinq heures par semaine, les enfants de la communauté afin de leur apprendre à lire et écrire, à maîtriser les runes ainsi que les bases de leur histoire et religion. Ce n'était pas comme si le fils Hërling manquait d'ouvrage : tenir les comptes, établir les registres des ressources et des événements du village, encrer et enluminer des rouleaux de textes sacrés pour la bibliothèque... mais en plus de tout cela, en hyperactif intellectuel qu'il était, l'infirme mettait un point d'honneur à transmettre un peu de son savoir aux jeunes générations. Il n'aimait rien tant que l'apprentissage. « Sais-tu si un relais est assuré en mon absence ? J'espère... qu'ils peuvent continuer les études... » soupira l'archiviste, le cœur lourd d'être loin de sa mission et de la quinzaine de bambins auxquels il s'était attaché. Quelle frustration de ne pas suivre leurs progrès, répondre à leurs questions, prêter des codex selon ce qu'ils voulaient découvrir.

Ses questions concernant Snöfrid troublèrent Ñolofinwë. Ulter n'en fut que peu étonné : dès l'arrivée de cet homme mystérieux au village et dans la vie de la fille Kirkja, il avait senti que les choses allaient changer. Qu'il portait avec lui une mémoire aussi lourde que la mission que la jeune femme allait endosser. Elle confirma ses intuitions : Snöfrid était plus qu'un professeur. Il était lié à elle par les ancêtres. Et si... Tatiana ? Ulter écarquilla les yeux : il se rappela de sa discussion avec son amie à la taverne, de ce qu'elle lui avait alors dit au sujet de sa mère et de sa sœur – qu'elles croyaient en leur filiation avec l'illustre sorcière. Ainsi, Snöfrid aurait confirmé à Ñolofinwë qu'elle était de la descendance de brûlée. La demoiselle avait dû parler à demi-mots, de manière cryptée, en raison de la fichue présence de ces maudits soldats ! À cause d'eux, ils ne pouvaient rien se dire ouvertement. Ulter en pesta intérieurement. Cependant, l'archiviste avait compris le message. Il sourit. Ses yeux bleus rencontrèrent avec toute leur intensité ceux de Ñolofinwë. « Alors ta mère et ta sœur avaient raison d'y croire. Et je suis sûr que ton apprentissage t'amènera loin. J'ai toujours cru en tes grandes capacités. » ajouta-t-il, une vive émotion dans le regard au souvenir de ce jour à la taverne où les deux amis s'étaient rassurés mutuellement sur leurs pouvoirs respectifs. Non, la fille Kirkja n'avait rien d'un monstre. Mais un immense pouvoir dont elle saurait faire bel usage.
Intrigué, Ulter l'écouta lui confier son vif attachement pour Snöfrid. Et à l'entendre, cela semblait aller plus loin qu'une complicité entre enseignant et élève. Se pourrait-il qu'ils... soient attirés ? Ou s'agissait-il seulement d'affection filiale entre descendants de Tatiana ? Après tout, cela n'aurait rien d'étonnant : les liens du sang ne sauraient mentir. Avec tendresse, serrant ses mains autour des doigts de la demoiselle, il souffla : « Écoute ce que ton cœur te dit de lui. Vois comment les choses évoluent et, si tu sens qu'il t'écoute, les mots viendront. Parle-lui simplement. Franchement. Après tout, vous avez beaucoup en commun pour vous comprendre. » À commencer par une même aïeule, ce qu'Ulter garda pour lui. Il préféra, à l'instar de Ñolofinwë, un langage crypté face aux gardes.

Malheureusement, la sorcière ne pouvait pas développer, devant les soldats, en quoi consistaient ses projets. Ulter retint un soupir et comprima les poings. Il ne put pas plus demander à Ñolofinwë ce qu'elle entendait par ''ce qu'elle avait à faire''. Toutefois il se doutait que Snöfrid y occupait un rôle et que ces plans concernaient à la fois Rome... et un devoir de réparation envers Tatiana. Tout ce que l'archiviste put faire, ce fut déclarer avec ferveur : « Tu as ma confiance. Et je te promets qu'un jour, je reviendrai. Je reviendrai et te soutiendrai autant que possible. » Son savoir, ses découvertes sur Rome, son goût pour l'art oratoire et la gouvernance qu'Ulter mettait un point d'honneur à peaufiner dans le dos du Consul... il se jura de mettre ses compétences au service d'un projet politique qui lui tiendrait à cœur. Au service d'Yggradsil. Restait à savoir ce que Ñolofinwë désirait. L'archiviste ne l'aiderait que si ''ce qu'elle devait faire'' n'avait rien d'une vengeance bête et méchante. Il espérait pouvoir faire confiance à la grandeur d'âme de la sorcière.
Mais à peine avait-il formulé sa promesse de revenir et d'aider sa comparse – au mépris des soldats de Rome et même avec une certaine défiance – que l'un des hommes d'armes approcha pour ricaner au nez des deux amis. Dardant un regard noir sur l'otage, avançant même la pointe de sa lance près de son visage, le vigile siffla entre ses dents : « Prend pas tes rêves pour des réalités, toi. Tu partiras quand le Divin Empereur le voudra. Et si seulement il le veut. » Ulter ne baissa pas les yeux, ne se laissa pas faire. Il resta droit. Le garde s'autorisa une oeillade lubrique vers la belle Yggradsiloise. L'érudit sentit sa rage monter. « Vos. Manières. » grommela-t-il, glacial. « Ta gueule. » rétorqua le garde décomplexé. « Fais le malin ou conteste, et on racontera au Consul que t'as pas été sage. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Ñolofinwë se sentait apaisée de voir son ami sain et sauf et bien traitée, enfin du mieux que possible pour un otage, mais une part d'elle était frustrée de ne pas pouvoir l'aider comme elle le souhaitait. Elle tentait en vain de ne pas faire attention aux gardes présent, mais les mains de son ami sur les siennes l'a fit revenir à elle.
Le doux souvenir de leur rencontre lui revint. Elle sourie à se souvenir, si agréable mais qui lui semblait si lointain. « Lorsque je peux je passe faire un court de lecture et d'écriture aux petits, et je leur comte nos légendes, tu sais à quel point je suis bien placée pour en parler.» dit-elle un sourire complice à son cher et tendre ami. Il lui manquait énormément, ülter a été le premier inconnue à croire en elle, à lui faire confiance et lui dire à quel point elle était exceptionnelle et importante. « Tu me manque beaucoup, si tu savais comme j'ai besoin de toi. » La tristesse envahit son visage elle espérait que les mots de l'archiviste s’avèrent vraie, qu'il la rejoindra et qu'elle pourra compter sur lui. En dehors de Ñolofinwë tout yggradsil avait besoin de lui, il était un des pilié de son tendre village. « Je lui en parlerais tu as raison, je dois lui parler à coeur ouvert. » L'idée d'avouer ce qu'elle ressent à Snöfrid, l'a faisait rougir.

« Prend pas tes rêves pour des réalités, toi. Tu partiras quand le Divin Empereur le voudra. Et si seulement il le veut. » Le garde c'était approché d'ülter soudainement, le menaçant de la pointe de son arme. Elle fronça les sourcils et serra les poings sentant la chaleur l'envahir. Elle devait reprendre le contrôle de son corps ET de la situation, il est hors de question pour l'être doté de magie de faire croire aux Romains qu'ils ont l'avantage. Son ami ne se laissa pas faire, mais la vulgarité des gardes l'a rendit folle. Son visage se ferme laissant place à une froideur inexplicable, une facette de la sorcière encore peu explorée, il est vraie qu'elle a de nombreuses facette la jeune femme, mais celle-ci est la plus dangereuse et effrayante qu'elle possède. « Bande de chien galeux ! » Les gardes furent surpris et avant même qu'ils n'aient le temps de réagir elle se leva avec élégance et avec une prestance à en faire pâlir les dieux. «Votre divin gouverneur ? Vous n'avez donc rien compris ? Vous n'êtes que des chiens de gardes à qui on laisse les reste de la gloire romaine. Vous avez brillez par de nombreuse conquête mais on ne retiens jamais le nom des soldats, de ceux qui sont en première ligne de l'enfer, mais de vos souverains caché aux chauds dans leur palais à prié vos dieux. Qui prit pour vous et votre bien ? Personne alors un peu de respect ! » Le but ? Créer doucement la discorde au sein du peuple Romain afin que le peuple se retourne contre les dirigeant.

Codage par Libella sur Graphiorum

Ainsi, Ñolofinwë prenait sur son temps pour venir le remplacer un petit peu auprès des jeunes du village ? Ce fut un soulagement pour l'archiviste, que de savoir ses élèves pas complètement laissés au dépourvu. À cette nouvelle, Ulter sentit un léger poids tomber de ses épaules : il sentit son dos se détendre contre la chaise. Dans un sourire, il affirma à son amie d'une voix où flambait un regain d'enthousiasme : « Oh ! Tu n'imagines pas à quel point cela me fait plaisir. Merci, Ñolofinwë. Je suis sûr que tu es une bonne enseignante. » Plaisantin, il ajouta avec une oeillade entendue : « Bien entendu ! Tu es une des mieux placées qui soient pour transmettre nos légendes. »
Une vive émotion succéda à ces mots légers : l'aveu de la belle sorcière, quant à la douleur de son absence, embua les yeux de son ami. Il soupira devant la triste mine de Ñolofinwë puis murmura, une main à son épaule : « Cela finira, d'une façon ou d'une autre. Je refuse de croire que tôt ou tard je ne vous retrouverai pas, tous, à Yggradsil. » En un sourire tremblant il confia : « Il n'y a pas un jour sans que je ne prie pour cela. Votre absence est... » Secouant la tête, Ulter prit un ton plus ferme en même temps que sa résolution : « Soyons forts. Et je sais combien tu l'es. » Il croisa de nouveau les mains devant lui, sur le bois de la table, après que le bout de ses doigts soient venus effleurer un instant, sous sa tunique, les amulettes que lui avait remises Azura au Colisée. L'archiviste, là-dessus, cilla à un trouble soudain : son amie venait-elle bien de rougir en pensant à Snöfrid ? Ainsi donc, c'était bel et bien de l'amour autre que filial qui germait pour lui ? Il acquiesça lentement, songeur. Ce serait... pour le moins atypique. Des membres d'une même famille, séparés par seulement moins de cent ans au final – moins de quatre générations. Mais... la demoiselle et son professeur devaient savoir ce qu'ils faisaient. Et puis vivre cent-vingt ans, après tout cela aussi était atypique.

La situation malheureusement se dégrada d'un coup. Un garde vint menacer l'otage, le ramenant brutalement à sa périlleuse condition que, l'espace de cette tendre conversation, il avait réussi à oublier un peu. Ulter n'eut besoin que d'un regard vers Ñolofinwë pour deviner qu'elle bouillonnait de colère. Pourvu que ce ne devienne pas littéralement ! Que ses pouvoirs restent sous contrôle ! Mais à son étonnement et pour sa plus grande admiration, il la vit se lever avec dignité et interpeller les soldats. D'abord par une insulte... Oh, Dieux, non... Il ne manquerait plus qu'elle aussi s'attire un châtiment. « ᚨöᚱᛒᛁ ôᚦᛁᚺ » jura-t-il à mi-voix, poings serrés, prunelles fixées sur la sorcière en une cruelle angoisse.
Elle enchaîna avec un aplomb tel que la soldatesque resta à l'écouter, effarée, n'intervenant pas pour l'injure. Quelle intervention ! Elle souleva un point qui avait toujours frappé Ulter dans l'étude de l'art de la guerre : combien le moindre mouvement d'un petit maillon pouvait être décisif dans le mécanisme d'une bataille, mais combien ils restaient inconnus. L'archiviste n'était pas naïf, il doutait que la démonstration suffise à retourner des légions entières qui avaient brillé des siècles durant par leurs efforts – galvanisées à bâtir la gloire de Rome. Non, le combat serait long, ardu, et il faudrait peaufiner encore bien d'autres arguments, cependant il ne pouvait que saluer la bravoure de son amie, qui posait là les premières bases d'une sédition. Il acquiesça avec fermeté. Elle avait raison : bien trop de patriciens se gavaient et ne laissaient plus la plèbe jouir de la gloire de Rome. L'Empire fut florissant pour beaucoup de monde jadis, mais désormais une toute petite élite vivait dans une bulle de luxe quand l'écrasante majorité du peuple souffrait.
La sidération plana parmi les soldats [Conséquence lancer de dés] avant que celle-ci ne se changeât au mieux en mépris, au pire en agressivité L'un comprima les poings et grogna entre ses dents : « L'est bien insolente, la p'tite dame. » Il enchaîna en une langueur acide : « Elle f'rait mieux d'se méfier si elle veut pas se r'trouver coffrée aussi, ou attirer d'la merde à son ami. » Son voisin ne dit rien et resta plus songeur. Le troisième, qui se tenait près d'Ulter et l'avait menacé, frappa du poing sur la table en éclatant d'un rire pierreux. « B'en voyons ! Pour ta gouverne on est fiers d'être les mains, même les p'tites mains, de l'expansion de Rome ! On voit du pays, on a une solde, des putes et du butin ! Vous proposez quoi, toi ma jolie, toi l'éclopé et vot' village de pouilleux ? »
Ulter serrait les dents. Il ne pouvait pas rester sans rien dire pour soutenir Ñolofinwë. Après un échange de regards avec son amie, il s'engagea avec phlegme et froideur : « Simplement de voir que la plèbe de Rome n'est pas traitée ni reconnue aussi bien qu'elle le devrait, pour le travail qui est le sien. Vos richesses sont accaparées par trop peu. » Y aller pas à pas. Ne pas attirer le malheur sur ses compatriotes par un autre dérapage. S'il le pouvait sans danger, il serait plus bavard et virulent ! Or Ulter se demanda dans quelle mesure les gardes défendaient leur rôle uniquement pour protéger leur poste, ou par vraie dévotion à l'Empire. Sans doute les deux. Un ricanement accueillit ses paroles : « Ah ! Ouais ? La faute à qui, fils de chienne ? Qui a maudit nos terres et détruit nos ressources ?! On t'rappelle ? » « Quelqu'un qu'on a injustement brûlée ! » rétorqua Ulter, acerbe. « Et ne vous cachez pas derrière cette excuse. Le divin empereur pourrait éventuellement commencer par cesser ses purges iniques... et vos patriciens gonflés d'or oser penser à répartir leurs ressources ! Autrement croyez-moi, bientôt ce ne sont pas les sorciers que Rome devra redouter le plus, mais son propre bas peuple... » On aura à peine entendu les derniers mots de l'archiviste, sous le fracas des armes des autres gardes qui s'approchèrent. « Un mot d'plus vous deux et on suggère au Consul d'vous faire ravaler vos langues ! » Il darda un regard teigneux vers Ulter et précisa dans un rictus mauvais : « La flagellation d'l'autre fois, ça t'a pas suffi ? »

Ulter pâlit. Resta en suspend, mâchoire entrouverte. Non ! Pas ça ! Il ne voulait pas qu'on sache au village ce triste incident. Il devait réagir, car son amie n'allait pas laisser passer une telle nouvelle sans réaction... dont il pouvait redouter les conséquences : son pouvoir ! Le cœur du jeune homme cogna follement sa poitrine. Il tenta d'ignorer les gardes moqueurs pour s'empresser de saisir les mains de Ñolofinwë, plus tendrement que jamais, et entreprit : « Je... C'est... Il y a peu c'est vrai, j'ai injurié un patricien. » Au moins, il ne mentait pas. Ou seulement par omission du reste. Ulter crevait d'envie de dénoncer Tarquin, là, tout de suite ! De raconter qu'un espion était au village sous le nom de Roland, qu'il fallait le chasser, et vite ! Sans parler du martyr d'Azura... Mais évidemment, on l'avait menacé de représailles s'il faisait ne fut-ce qu'allusion à Tarquin : on tuerait vingt esclaves au hasard. Ulter déglutit péniblement, les yeux bas, comme pour ravaler en lui les mots qui brûlaient d'être dits. Il poursuivit pour Ñolofinwë : « J'ai été puni, mais tu vois, je vais très bien. On m'a parfaitement soigné. » Il la regarda dans les yeux. « Je t'en supplie, ne raconte pas cela à Yggradsil. » Cela ne servait à rien. Azura sortirait de ses gonds ou fondrait en larmes, sans parler de sa famille... Ils verraient bien assez tôt, à son retour, les zébrures à son dos. Mais ce ne serait alors plus qu'un désagréable souvenir, si Ulter pouvait rentrer au village.

Codage par Libella sur Graphiorum

Ñolofinwë pouvoir sentir l'atmosphère devenir pesante, sous tension, le regard froid, le dos droit et la tête haute elle refusait de se laisser impressionner. Les soldats n'apprécièrent guère son intervention, "la faute à qui?" elle fronça les sourcils, elle devait garder le contrôle mais ça devenait compliquer. Comment ose t-il ? Puis le garde parla de flagélation, le regard horrifié se pose sur Ülter qui se rua sur elle pour lui expliquer les choses. « Je ne peux rien te promettre mon cher ami.» Elle caressa la joue d'ülter, délicatement plongea son regard dans le sien, elle ne pouvait pas laisser les choses ainsi. « Comment osez-vous ? » elle dévisagea avec colère les gardes, les armes, et analysa brièvement la pièce où elle se trouvait. « Si vous croyez en cette purge et malédiction vous n'avez rien compris. Continuer votre purge et vous risquez de perdre bien plus. » Elle fronça les sourcils et un sourire sadique se posa sur ses lèvres, elle attrapa la pointe de l'arme du soldat qui menaçait Ülter et dans sa paume, dans un calme et un silence de mort fit chauffer le morceau de métal jusqu'à ce qu'il en reste rien, il se mit à fondre à travers les doigts de la sorcière et tomba au sol. S'en était trop.

Durant son temps libre elle s'entrainait à combattre, de quelque geste elle prit l'arme de l'autre soldat pour la retourner contre lui, et immobilisa l'autre don elle venait de faire fondre la lame. Elle approcha ses mains de ses yeux. « Tu vas faire passer un message à ton divin empereur. Qu'il arrête la purge maintenant autrement Rome ne sera plus votre. Je t'interdit de cité nos noms, autrement je saurais que ça vient de toi, je vous retrouverais brûlerais vos maisons et arracherait vos langue et crèverait vos yeux. En ce qui concerne mon tour de magie, tu n'as rien vue, ton arme est tomber dans les flambeaux lorsque tu as trébuché. » Elle ne plaisantait pas... voici la partie la plus sombre de la sorcière. Elle avait perdue le contrôle, mais elel se disait que ce n'était pas plus mal que des on dit débarque à Rome et qu'elle devienne une nouvelle légende, semer le doute, la discorde, diviser le peuple et le gouvernement. Le regard des soldats auparavant arrogant et grossier changèrent de tons, la peur avait prit le dessus. « Qui es-tu ? » le sourire de la sorcière s'éteignit. « Ton pire cauchemars. Vous voulez que Rome se porte mieux ? Alors cesser vos massacres et tout rentrera dans l'ordre. » Le soldat acquiesça de la tête, elle les relâcha. Elle osait à peine regarder Ülter...

Codage par Libella sur Graphiorum

Ulter aurait tant voulu pouvoir se rassurer. Pouvoir croire qu'à Yggradsil, personne ne serait informé de la sordide mésaventure qui lui avait valu le fouet. Pouvoir croire surtout que Ñolofinwë n'allait rien risquer. Mais la situation venait de violemment se dégrader. L'archiviste bouillonnait aux injures que les gardes faisaient à Tatiana et au traitement abject qu'ils réservaient à son amie.
De toute évidence, les paroles rebelles du jeune homme – et plus encore celles de la sorcière – ne plurent pas aux soldats qui resserrèrent davantage leur cercle menaçant autour des deux comparses. On pointait les lances vers eux. On leur adressait des regards emplis de rage prête à se déverser. Ulter comprima les poings, mais ne baissa pas les yeux. Il trouvait que Ñolofinwë jouait un jeu dangereux, il craignait pour ce qui allait lui tomber dessus, mais jamais il ne ferait autre chose que la soutenir devant les ennemis. Voir une faille entre l'otage et la demoiselle leur ferait trop plaisir !
Il garda donc pour lui ses craintes grandissantes tandis que la sorcière se mettait maintenant à tutoyer les militaires, à donner des ordres, à les menacer ! Le tout avec une démonstration de ses pouvoirs : la lance d'un des vigiles fondue sous leurs yeux. Ulter frémit. Par Freya et Thor ! Que faisait son amie ! Ce qu'il craignait arrivait : Ñolofinwë sortait de ses gonds. Sa fureur éclatait par sa bouche. Oh bien sûr que l'archiviste partageait ses opinions... cependant là, dans cette situation, entourés de gens d'armes... C'était d'une imprudence folle ! Son souffle accéléra. Il se tendit de tout son corps, muscles bandés, prêt à n'importe quoi pour tenter d'empêcher les militaires de violenter la sorcière.

La réaction des Romains ne se fit pas attendre. [Conséquences lancer de dé.] Après que les dires de Ñolofinwë eurent impulsé la rage aux prunelles des uns, la terreur aux visages des autres, tous ne firent qu'un seul corps au signal du supérieur : « Arrêtez cette sorcière ! » Un premier garde leva le glaive pour viser la belle. « Non ! » gueula Ulter en se jetant de tout son poids contre le vigile – l'un et l'autre s'en retrouvèrent au sol. L'otage s'époumona, roula sur le côté, rampa, dévia le coup d'un autre garde. Ses pairs maîtrisèrent la bête. Ils étaient six dans la salle désormais – les surveillants de l'entrevue déjà rejoints par des renforts. Ñolofinwë était très forte, elle se défendait admirablement, Ulter n'avait aucun doute là-dessus. Mais ils se trouvaient si nombreux autour d'elle maintenant ! Une frappe partit. D'un fer de lance. Dans le dos de la jeune femme ! Une attaque assez puissante pour assommer la rebelle. « Lâches que vous êtes ! » cracha l'otage entre ses dents serrées, alors que deux militaires l'immobilisaient. Trop peureux pour affronter en face la manieuse de flammes !
Il vit avec horreur son amie inconsciente. Un autre hurlement sortit de sa gorge... cette fois-ci de peine et de désespoir. Les Romains tenaient une sorcière. Ciel ! Qu'allait-on faire d'elle ? Les pires scénarios se frayaient un chemin dans l'esprit de l'otage. Les larmes lui vinrent. Ses ongles griffaient le sol. Ñolofinwë... Ulter voulut bouger vers elle, toutefois les gardes le tenaient toujours. « Tu nous as sacrément bien servi, l'éclopé ! Une sorcière dans nos filets ! » railla un vigile. Le jeune homme reçut ces mots comme un coup. Il avait été le parfait petit objet des plans de l'adversaire. Ils avaient eu exactement ce qu'ils cherchaient : se servir d'Ulter en appât, créer les circonstances pour qu'une sorcière et amie de l'otage vienne le voir, attendre que l'entrevue déraille... Se savoir jouet de ces chiens était insupportable à l'archiviste. Il se ramassa sur lui-même. En frémit de honte. Il n'y était pour rien et cependant la conscience de la situation lui garrottait le souffle.
Il redressa cependant la tête en un regain de fierté, de colère face aux ordres que les Romains s'échangeaient : « En prison. Les deux. Jusqu'à nouvel ordre. Prévenez le Consul que son détenu ne rentre pas avec lui. » Jusqu'à nouvel ordre, c'est ça ! Ñolofinwë ne se laisserait pas faire d'ici là ! Les deux amis trouveraient comment réagir. Ulter voulut y croire de toute son âme. Il fallait que la belle – au moins elle – rentre à Yggradsil. Et ces pourceaux n'avaient pas fini d'en découdre avec ses pouvoirs ! Sans compter Snöfrid ! Si son élève ne rentrait pas au village, il ne resterait pas sans rien faire. Tous ensemble, ils tiendraient encore tête à Rome. L'otage en poussa un très sec souffle de mépris par le nez. Il inspira. Lentement. Ne pas se défaire à la vue de son amie dans cet état...

La soldatesque s'empressa d’apprêter un véhicule. Ses portes s'ouvrirent, son ventre noir avala les deux jeunes gens et une petite grappe de gardes chargés du transfert. L'un d'eux tenait les béquilles d'Ulter. Enfin, l'attelage se mit en route pour le quartier Est de Rome. Pendant le temps que durerait la captivité d'Ulter et Ñolofinwë, la nouvelle des exploits de la sorcière allait déjà circuler.

Codage par Libella sur Graphiorum